Rio de Janeiro, septembre 2013
Une collection pour le Museu do Futebol (Musée du Football)
Par Bernardo Buarque de Hollanda
(CPDOC/FGV)
La recherche “Futebol, Memória e Patrimônio : projeto de constituição de um acervo em História Oral para o Museu do Futebol” (Football, mémoire et patrimoine : un projet de constitution d'un fonds en histoire orale pour le Musée du Football) s'est terminée à la fin de l'année 2012. Avec le soutien de la FAPESP, agence de parrainage de la recherche de l'État de São Paulo, ce travail résulte d'un partenariat entre deux institutions : la Fundação Getúlio Vargas (Fondation Getúlio Vargas – FGV) – et son Centro de Pesquisa e Documentação de História Contemporânea do Brasil (Centre de Recherche et de Documentation d'Histoire Contemporaine du Brésil – CPDOC) – et le Musée du Football, qui dépend du Secrétariat de la Culture de l'État de São Paulo, dont le siège est situé dans les dépendances du Stade de Pacaembu.
Celui-ci, soit-dit au passage, a été le premier stade public du Brésil. Inauguré en 1940, il est inspiré du Stade Olympique de Berlin qui a abrité les Olympiades de 1936 sous l'Allemagne nazie.
En quoi a consisté le projet ? Pendant deux ans, les équipes de chercheurs de la FGV et du musée se sont efforcées de localiser d'anciens joueurs de la sélection nationale, qui ont joué entre 1950 et 1980, afin de constituer un recueil total de 120 heures d'enregistrements. Les entretiens, filmés et conduits par des représentants des deux institutions, ont reconstitué les histoires de vie des footballeurs brésiliens qui étaient présents lors des Coupes du Monde, que ce soit en tant que titulaires ou remplaçants.
Quel a été le critère adopté pour le choix des joueurs ? Avec à l'esprit la nécessité de recueillir prioritairement les récits des athlètes d'âge plus avancé, un découpage chronologique a été adopté pour la sélection des interviewés. Cinquante-cinq anciens joueurs ont témoigné, pour une durée moyenne d'entretien de deux heures et demie. Huit éditions du Mondial ont ainsi été abordées, à commencer par la Coupe en Suisse de 1954, jusqu'à la Coupe en Espagne de 1982.
S'agit-il d'une initiative unique et originale ? Loin de là. En termes institutionnels, le projet s'est inspiré d'expériences passées, comme par exemple celles entreprises par le MIS (Musée de l'Image et du Son), dans les années 1960 et 1980. Ce n'est pourtant que maintenant, après l'inauguration du Musée du Football (2008), qu'une telle idée peut être reprise.
Quelles ont été les éditions antérieures ? Au Musée de l'Image et du Son de Rio de Janeiro, le producteur de musique Ricardo Cravo Albin a imaginé la série Depoimentos para a Posteridade (Témoignages pour la postérité), avec le son de la voix de centaines de joueurs, dirigeants et techniciens. En août 1967, le gardien de but de la belle époque Marcos Carneiro de Mendonça, a entrepris la constitution de ce musée sonore, qui s'est poursuivie avec Domingos da Guia, Zizinho, le technicien Flávio Costa et bien d'autres.
Le Musée de l'Image et du Son de São Paulo a pour sa part réalisé un travail assez semblable, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, alors qu'il était à l'époque dirigé par le photographe et chercheur en photographie Boris Kossoy. Memória do Futebol (Mémoire du football) – c'est ainsi que s'intitulait la collection de São Paulo – a été réalisée par les pionniers des études académiques concernant le football et l'histoire orale au Brésil, José Sebastião Witter et José Carlos Sebe Bon Meihy de l'Université de São Paulo. Juca Kfouri fait partie des interviewés qui ont participé à cette collection.
Existe-t-il des différences par rapport à la collection qui vient d'être fournie au Musée du Football ? Oui, bien sûr. Il suffit de souligner les moyens techniques. Il est possible de consulter intégralement la collection, sur la page internet clic, où sont disponibles aussi bien les entretiens que leur transcription.
Une autre différence par rapport aux collections précédentes concerne le support audiovisuel : il permet non seulement de dépasser la caducité des enregistrements sur bande magnétique mais aussi de prendre le son dans un contexte visuel amplifié. À la place du magnétophone, la caméra saisit toute la gestuelle, l'expression faciale, aussi bien que le « jeu d'acteur » qui accompagne le discours du footballeur.
Ce n'est qu'en apparence qu'il s'agit d'un détail sans importance. Pour les historiens et les chercheurs, le recours aux fonds filmiques peut devenir crucial. Le cinéaste Eduardo Escorel, dans l'article Vestígios do passado : acervo audiovisual e documentário histórico (Vestiges du passé : fonds audiovisuel et documentaire historique), interpelle sur la force des images en mouvement en tant que témoin, et il met l'accent sur « la divergence notable qui peut exister entre le compte-rendu des chroniqueurs et ce que nous inférons des images filmées ».
Or n'est-ce pas ce point – la fiabilité des chroniqueurs d'antan dans la reconstitution du passé sportif national – qui a été la pomme de discorde entre ceux qui débattent sur l'historiographie du football brésilien ?
- Djalma Santos
Pour illustrer le contraste entre le filmé et l'écrit, on peut ne choisir qu'un seul exemple dans le matériel qui a été fourni récemment au Musée du Football, exemple qui est déjà présent dans le traitement du Mondial de 1954, le premier de la série. Lors de cette Coupe, le débat à propos de l'élimination de la Sélection des terrains de football helvétiques s'appuie habituellement sur les rapports écrits par le chef de la délégation brésilienne, le juriste João Lyra Filho.
Le dirigeant y attribuait la défaite face à la sélection hongroise à la faiblesse psychosociale des athlètes brésiliens. Pour Lyra Filho, l'incapacité à s'auto-contrôler et l'instabilité nerveuse démontrée sur le terrain par les joueurs deviennent particulièrement patentes lors des moments décisifs, comme ceux vécus lors de la demi-finale contre la Hongrie du « Major Galopant » Ferenc Puskás.
Si une telle version a été consignée dans les annales de la Confédération Brésilienne des Sports de l'époque, une vision antagonique à celle-ci peut être trouvée dans les déclarations enregistrées de trois des joueurs présents à cet événement : Djalma Santos, Índio et Cabeção.
Dans les entretiens filmés, ces joueurs justifient la défaite par des aspects organisationnels qui relevaient précisément de la responsabilité des dirigeants de la CBD. Trop de politiques parmi la délégation, excès de discours, manque de planification, méconnaissance des règles du tournoi, imposition tactique - la démarcation par zone de l'entraîneur Zezé Moreira - encore peu familière pour les athlètes, absence d'échauffement avant le lancement : tous ces points ont été évoqués par les joueurs qui se sont souvenus du Mondial disputé en Suisse.
Plus que des interprétations inédites, scoops journalistiques ou points de vue divergents, le matériel maintenant accessible au grand public et aux chercheurs permettra l'accès à une série d'histoires, avec le récit de cas pittoresques et de très nombreux passages savoureux que les souvenirs racontés des joueurs nous proposent de connaître à propos des Coupes dont ils furent les protagonistes.
Voir en particulier le lien sur le musée ici