Indiana, jeune créole de dix-neuf ans qui a passé son enfance à l’île Bourbon, a épousé un vieux militaire rigide, le colonel Delmare. Elle vit avec lui dans un château bien triste. Mais elle est entourée son cousin Ralph, un homme taciturne et renfermé mais à la loyauté indéfectible, et de Noun, une jeune femme de chambre créole elle aussi, sa soeur de lait. Un soir pourtant, le colonel, pensant voir des voleurs dans son parc, sort fusil en main et tire à vue. Mais le jeune homme qu’il a blessé n’a rien d’un voleur. S’il prétend s’être introduit pour espionner les usines du colonel, il n’en est rien: il s’agit de Raymond de Ramière, dont la beauté exotique de Noun, bien connue dans les environs, a attiré l’attention et qu’il a réussi à faire céder à force de promesse d’amour éternel. Mais ce soir-là, Raymond était là pour rompre avec une Noun qui devient trop envahissante, et lorsqu’il la voit près de sa jeune maîtresse, elle ne tient plus la comparaison. Plus tard, lorsqu’il retrouve Indiana à un bal, sa détermination à rompre avec Noun n’en est que plus grande. Mais ce n’est pas si simple de se séparer d’une créole qui vous aime tant, surtout lorsque la femme qu’il convoite aime cette créole comme sa propre soeur.
Ce court roman de George Sand m’a bouleversée. Pourtant le sujet qu’il traite n’a rien d’exceptionnel: le thème de la mal-mariée et du libertin en a inspiré d’autres (Emma Bovary, au hasard….). Indiana est une jeune femme confiante, pure et résignée à une mélancolie qui vaut bien la sécurité que lui apporte ce mariage de raison. Au début, j’ai eu envie de la secouer pour qu’elle réagisse. Mais le retournement est saisissant puisqu’Indiana est aussi entière dans sa décision de suivre son coeur que dans celle d’être loyale à son mari. La déception n’en est que plus grande dans un monde où une femme a bien du mal à trouver sa place.
Ce qui en revanche est original, ce sont tous les personnages poignants qui gravitent autour d’elle et les dommages collatéraux qu’ils sont contraints de subir en l’accompagnant. A commencer par la jolie Noun, tout aussi sentimentale que sa maîtresse mais qui n’a pas la chance d’avoir l’aura d’une fille du monde et qui, en tant qu’étrangère, est presque quantité négligeable pour son séducteur. Elle donne lieu à une scène cauchemardesque du roman qui annonce la couleur: cette histoire est sombre et cruelle. J’ai aussi été très touchée par Ralph, le fidèle, dont on devine vite que ce qui le pousse à protéger et à soutenir Indiana envers et contre tout, à la sauver d’elle-même, est bien plus qu’une banale affection familiale. Là encore, George Sand nous décrit un personnage empreint d’absolu, brisé à la racine, et qui pourtant devient un véritable roc même s’il ne trouve pas sa place dans le Monde. J’ai aussi eu une pensée pour la chienne Ophélia, symbole de fidélité absolue et qui fera elle aussi les frais d’un monde trop froid.
Retournements de situation, inattendus, surprises, coups d’éclats, l’intrigue sait se renouveler très efficacement et surtout, se termine en une apothéose qui nous en met plein les yeux et qui soulage nos personnages en quête d’un Paradis perdu depuis longtemps. Et même si elle relève d’un certain pessimisme, elle m’a fait du bien.
La note de Mélu:
Un très beau roman.
Un mot sur l’auteur: George Sand (1804-1876) est le pseudonyme d’Aurore Dupin, un baronne connue pour sa vie scandaleuse où elle osait porter le pantalon. Elle est surtout une romancière prolifique.
catégorie “prénom”