Arthur (1928-2013)
Né en Gascogne, il est arrivé au Québec à l'âge de 25 ans. Il avait étudié l'économie politique à l'Université de Montréal et écrit sur le cinéma, notamment dans Cité Libre et dans Liberté.
De 1973 à 1983, Arthur Lamothe avait réalisé une série de 13 longs et moyens métrages, La Chronique des Indiens du nord-est du Québec. Avec l'aide de l'anthropologue Rémi Savard, il avait aussi documenté les revendications des Amérindiens, prenant souvent à partie les pouvoirs politiques blancs et parlant carrément d'ethnocide pour qualifier l'attitude des Blancs envers les Amérindiens. Cette œuvre d'une indéniable valeur ethnologique a permis de garder sur pellicule des traditions disparues.
Ses films Bûcherons de la Manouane et Mémoire battante font partie de la cinémathèque de base en études québécoises constituée par l'Association internationale d'études québécoises.
Il avait aussi travaillé à Radio-Canada, puis à l'ONF, se liant d'amitié avec Gilles Carle. Il avait d'ailleurs coscénarisé La Mort d'un Bûcheron et participé aux Corps Célestes, tandis que Gilles Carle avait coscénarisé pour lui Équinoxe en 1986. Lamothe avait aussi réalisé de nombreux films à caractère pédagogique, social et politique. Ses documentaires ont obtenu plus de succès que ses oeuvres de fiction.
C'était un regard de Français sur l'Américain francophone que nous étions. C'est un vieux réflexe (de baby-boomer surtout) que de demander aux Français qui nous sommes. Regardez Québec qui avait demandé à Clotaire Rapaille de lui faire un profil psychologique ou Pauline et Bernie avec la charte des valeurs inspirée de ce qui se fait en France.
Le Québec se cherche encore.
Quand Arthur Lamothe est décédé le 18 septembre dernier à l'âge de 85 ans, il a laissé derrière lui un regard sur nous-même, sur nos communautés autochtones, et une demie-tonne de chandelles allumées avec un feu toujours passionné.
Michel
(1928-2013)
Né à Montréal la même année qu'Arthur, il fait ses premières armes à la caméra et aux éclairages au sein de l'Office National du Film, avant même que l'agence fédérale n'ouvre une section française. Il a grandement contribué à l'essor du cinéma québécois. Avec son ami Pierre Perreault, avait inventé un nouveau langage cinématographique qui a fait école: le cinéma-vérité. La Nouvelle Vague Française lui doit beaucoup.
Perreault et Brault ont d'ailleurs signé un film qui a fait date dans la matière: Pour la Suite du Monde. Le film avait d'ailleurs été en nomination pour une Palme d'Or à Cannes en 1963. Les deux hommes avait uni leurs efforts pour réaliser deux autres documentaires, Un Pays sans bon sens en 1970, et L'Acadie... l'Acadie en 1971. Le parti pris étant toujours de laisser les gens filmés se raconter eux-mêmes.
Il se tourne vers la fiction dès 1964 alors qu'il réalise un court métrage Geneviève mettant en vedette une actrice avec laquelle il tournera à plusieurs reprises, Geneviève Bujold. Trois ans plus tard, il s'inspire de la vie du chanteur de Claude Gauthier pour tourner Entre La Mer et L'eau Douce.
En 1974, Brault signe son chef d'oeuvre, une fiction mais écrite selon les témoignages de ceux qui ont vécu l'arbitraire loi sur les mesures de guerre appliquée en octobre 1970: Les Ordres. Brault obtiendra le prix de la Mise en scène à Cannes, l'année suivante pour ce film.
En 1990, Les Noces de Papier, un film tourné pour la télévision racontant l'histoire d'une femme acceptant de contacter un mariage de convenance avec un immigré, ajoutent à sa renommée internationale.
Son dernier film, Quand Je Serai Parti... Vous Vivrez Encore couvrant la Rébellion des Patriotes de 1837 sera toutefois un échec financier et critique.
À titre de directeur de la photographie, rôle qu'il campait aussi avec brio on le retrouve au générique des Bons Débarras de Francis Mankiewicz, de Mourir à tue-tête d'Anne Claire Poirier, de Kamouraska et Mon Oncle Antoine, tous deux de Claude Jutra.
Michel nous as mis au monde sur pellicule à travers le monde. C'est un oeil exceptionnel qui s'est éteint paisiblement dans son sommeil dans la nuit du 20 au 21 septembre dernier.
"Je trouvais que c'était un peuple héroïque, dont j'avais envie de parler. Et c'est ce qui m'a nourri, et ce qui m'a permis de faire ce film" dira-t-il des gens de l'isle-Aux-Coudres qu'il filmait dans Pour La Suite du Monde.
On pourrait dire la même chose de tous les Québécois,
Peuple héroïque.
Qui s'ignore héroïque parfois...
Merci la vie pour Arthur et Michel.