Magazine Poésie
Je meurs de soif auprès de la fontaine;
Je trouve doux ce qui doit être amer;
J'aime et tiens chers tous ceux qui me font haine,
Je hais tous ceux que fort je dusse aimer;
Je loue ceux que je dusse blamer,
Je prends en gré plus le mal que le bien;
Je vais quérant ce qu'à trouver je doute;
Croire ne puis cela que je sais bien,
Je me tiens sûr(e) de ce dont plus j'ai doute?
Je prens plaisir en ce qui m'est atayne (blessure);
Un peu de chose m'est grand comme la mer;
Je tiens de près celle qui m'est lointaine,
Je garde entier ce que je dusse entamer,
Saoul suis de ce qui me fait affamer;
J'ai largement de tout et si (pourtant) n'ai rien,
J'oublie ce que plus à coeur je boute;
Ce qui me lâche me tient en son lien:
Je me tiens sûr(e) de ce dont plus j'ai doute.
Je tiens pour basse chose qui est hautaine;
Je fuis tous ceux que je dusse réclamer,
Je crois plus tard le vrai qu'une fredaine;
Tant plus si froid, plus me sens enflammée (er);
Quand j'ai bon coeur, lors je prends à pâmer;
Ce que j'acquiers je ne tiens pas pour mien,
Je prise peu ce qui bien cher me coûte;
Sotte manière m'est plus que beau maintien,
Je me tiens sûr(e) de ce dont plus j'ai doute.
Prince, j'ai tout, et si ne sais combien:
J'attire à moi ce qui plus me déboute;
Ce que j'éloigne m'est plus près qu'autre rien;
Je me tiens sûr de ce dont plus j'ai doute.