Magazine Journal intime

Gare aux au-revoirs

Par Eric Mccomber








On se croit esprit mais le corps, le corps, doit se déplacer pour changer de lieu et nous ne sommes qu'un, quoi qu'on en dise… Nous sommes un tout et sans le déplacement, il n'y a que vent et brumes, surtout en l'homme et la femme. Oui, certains courants passent, certains fils d'argent se tissent même par delà les lieues, au-dessus des océans et à travers les gouffres, mais les épidermes qui se quittent ont mal à ça, mal au toucher, mal au vertige, mal silence qui ne sera plus une pause enceinte de rires, mais au contraire, une étendue immense dans laquelle les caresses vont rejouer en boucle comme un film cent fois revu. On plisse les yeux, on marche droit devant soi, ce TGV fermera ses portes dans une minute, on descend une volée de marches, on tourne le coin, on grimpe de l'autre côté. Partout des gens, des corps, partout des odeurs, des destins, des pieds pressés, des airs confus, des bouches ennuyées, des yeux aveugles. Et ça y est. Le manque déjà prend à la gorge. Il faut trouver le quai, porter le sac. Valider le titre. La vie est rarement belle, on dirait, mais parfois. Et quand elle l'a été, il serait pingre de ne pas murmurer « merci providence ». L'azur bordelais est fastueux. Je regarde mes orteils qui entrent et sortent de mon champ de vision, me portent au quai 14. Rosie m'attend au camping. On continue comme prévu.© Éric McComber

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