Paradoxalement, ce sont autant les propos provocateurs de Marine Le Pen que
le positionnement des autres partis politiques par rapport au FN qui
contribuent à entretenir l’impression que le Front national est désormais au
centre du jeu politique en France.
La récente position de François Fillon y a, de ce point de vue, largement
participé.
Plus que sur le fond de ses propos qui consistaient simplement à dire qu’il
est préférable de voter pour le moins sectaire des candidats, la faute de
François Fillon a été de dire expressément que voter pour le candidat FN, même
sous conditions, est une option possible.
Son affirmation est d’autant plus contestable que la notion de sectarisme
est malheureusement très subjective tant on à tendance à amalgamer l’homme de
convictions à un sectaire si ses convictions sont différentes des siennes. Et
vice versa, puisque le sectaire peut aisément se présenter comme un homme de
convictions.
En tout état de cause, c’est un magistral coup de main donné à Marine Le Pen
qui depuis quelques années s’efforce de normaliser son parti ou du moins de lui
donner une allure de respectabilité.
Mais il ne suffit pas de tenir ce genre de propos pour se faire l’assistant
involontaire de Marine Le Pen dans sa démarche de normalisation du FN. Se
situer par rapport à lui en permanence, c’est en faire d’une certaine manière
un concurrent comme un autre, un de ses pairs.
Même ceux qui le traite d’abomination et qui veulent en faire le paria de la
politique française, sont dans l’erreur.
Lorsque Jean-Luc Mélenchon fait de sa candidature à la Présidentielle ou à
la législative de Hénin-Beaumont un combat personnel contre Marine Le Pen, il
met autant en valeur son adversaire que son propre camp. Pire encore, en se
référant sans cesse au Front national, il oblige d’une certaine manière chacun
à choisir son camp même ceux qui ne veulent ni de l’un ni de l’autre.
Passer ses campagnes à vilipender le FN avec l’invective comme seul argument
n’a jamais fait perdre une seule voix au Front National !
Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche, sont caricatural en la matière
mais ce constat est également valable pour tous les autres opposants au FN. Feu
le front républicain a été un échec.
Contester le FN sous prétexte qu’il ne serait pas un parti républicain, est
inefficace voire contreproductif.
En quoi le FN ne serait-il pas un parti républicain ?...parce qu’il serait
raciste, antisémite, xénophobe, nationaliste…méchant ?....outre le fait que
s’en tenir à ces considérations est pour le moins simpliste, je ne vois aucun
synonyme d’antirépublicain dans tous ces qualificatifs !
Jusqu’à nouvel ordre, le FN s’inscrit dans les lois et les règles de la
république.
En donnant l’impression que l’establishment politique se ligue contre le FN,
on ne fait que le victimiser.
Certes, ses affirmations ne sont pas toujours d’une grande finesse, elles
sont souvent basée sur des concepts rudimentaires et erronés et s’apparentent à
des incantations simplistes, mais, en l’absence de contradiction intelligente,
on laisse se répandre tranquillement ses thèses populistes.
On devrait avoir compris depuis longtemps que diaboliser le Front National
n’a jamais stoppé la propagation de son influence dans l’opinion.
Même si le contexte de crise offre un terreau particulièrement fertile aux
populistes, son succès, le FN le doit avant tout au fait que ni l’UMP ni le PS
n’ont su répondre aux réelles inquiétudes de ceux qui se sont retournés vers
lui.
Faute d’avoir osé s’emparer de certains sujets, ceux-ci ont été préemptés
par le FN. Faute d’avoir voulu en débattre, les autres partis ont laissé
celui-ci diffuser ses solutions sans réelle contradiction.
Maintenant, certains d’entre eux courent après leurs électeurs perdus, mais
c’est trop tard, le mal est fait.