C’est une fois encore qu’à pas feutrés on pénètre dans la galerie Camera Obscura, qui profite de la sortie du nouveau livre de Michael Kenna pour lui dédier une exposition éponyme. Quatrième exposition monographique consacrée à l’artiste, la galerie présente principalement des images saisies sur l’archipel de sud-ouest de la péninsule Coréenne. C’est là que se trouve Shinan : des milliers ilôts où le photographe a l’intime conviction qu’il réussira à capturer la lumière qu’il cherche.
Ses paysages sont époustouflants et indéniablement esthétiques. Une perfection des lignes, des matières, de la lumière en ressort, avec une touche presque picturale. Car de ses photos Michael Kenna travaille le matériau, à la fois dans la prise mais aussi dans le soin qu’il accorde au tirage. Une virtuosité qui transporte au-delà du temps, dans des paysages que l’on croirait peints à l’encre de chine. En y regardant de près, on surprend un reflet de la mer, un aspect mat de l’eau, qui nous rappelle la photographie.
Dans ses photos, ce qui frappe c’est la manière dont il parvient à jouer l’exposition pour créer des zones d’espaces inertes (des mers d’huile souvent), dont le blanc est accentué par la lumière et laisse penser qu’il s’agit d’un vide.
Confusion des éléments et des matières, il parvient à soustraire les éléments : une dune de sable annule l’espace au premier plan, de la brume sur la mer brouille notre perception de l’eau, d’ailleurs est-ce de la brume ou des lambeaux de nuages qui se sont accrochés aux côtes ? Les reflets s’entremêlent en créant tout de même cette impression de vide, de ciel et d’eau dont la frontière se rejoint. Des lignes pures.
Puis il fait émerger un rocher, une île de verdure, au beau milieu de la mer, du néant, sous une lumière providentielle. On comprend que son travail est le fruit d’une observation minutieuse, patiente et attentionnée des conditions élémentaires. La perfection formelle ne nait que de ses longues séances de repérage, de prises et d’attente.
Avec délicatesse il isole de son regard, des paysages fins, piqués de pilotis de bois. Leur dessin sinueux ou juste graphique, laisse libre part à la contemplation.
Michael Kenna fait ressortir les dessins de la nature et ses créations éphémères.
Puis soudain il neige. Nous sommes sur le lac Kussharo au Japon. Michael Kenna a photographié cet arbre sculptural qui se dresse hors de son tapis de neige, comme une complainte formelle et silencieuse.
D’autres images saisies lors de ses voyages en Chine, au Japon et en Corée entre 2002 et 2013 sont aussi exposées. En feuilletant les différents ouvrages de l’artiste, en remontant, on voyage encore, dans un paysage hors du temps. Au delà des montagnes asiatiques, dans une attitude méditative.
Mais Michael Kenna, maitre des paysages idéaux et contemplatifs, a aussi saisi des paysages industriels. Dans les années 1980, il part sur de nombreux sites et notamment la centrale nucléaire électrique de Ratcliffe dans le comté de Nottingham.
Michael Kenna n’a pu être présent pour l’ouverture de l’exposition, mais une rencontre-signature a lieu le 10 octobre à 18h dans la Galerie.
A voir : Vers le soleil/ Shinan et Nouvelles images : Corée – Japon – Chine
A la Galerie Camera Obscura
268, boulevard Raspail
75014 Paris