Viens, tu seras un dieu ! Sur ta mâle beauté
Je poserai le sceau de l'immortalité ;
je te couronnerai de jeunesse et de gloire ;
et sur ton sein de marbre, entre tes bras d'ivoire,
appuyant, dans nos jeux, mon front pâle d'amour,
nous verrons tomber l'ombre et rayonner le jour,
sans que jamais l'oubli, de son aile envieuse,
brise de nos destins la chaîne harmonieuse.
J'ai préparé moi-même, au sein des vastes eaux,
ta couche de cristal qu'ombragent des roseaux ;
et les fleuves marins, aux bleuâtres haleines,
baigneront tes pieds blancs de leurs urnes trop pleines.
ô disciple de Pan, pasteur aux blonds cheveux,
sur quels destins plus beaux se sont portés tes vœux ?
Souviens-toi qu'un dieu sombre, inexorable, agile,
desséchera ton corps comme une fleur fragile...
et tu le supplieras, et tes pleurs seront vains.
Moi je t'aime, ô pasteur, et dans mes bras divins
je sauverai du temps ta jeunesse embaumée.
Vois ! D'un cruel amour je languis consumée ;
je puis nager à peine, et sur ma joue en fleur
le sommeil en fuyant a laissé la pâleur.
Viens, et tu connaîtras les heures de l'ivresse !
Où les dieux cachent-ils la jeune enchanteresse
qui, domptant ton orgueil d'un sourire vainqueur,
d'un regard plus touchant amollira ton cœur ?
Sais-tu quel est mon nom, et m'as-tu contemplée ?
Lumineuse et flottant sur ma conque étoilée ?
n'abaisse point tes yeux. ô pasteur insensé,
pour qui méprises-tu les larmes de Glaucé ?
Daigne m'apprendre, ô marbre à qui l'amour me lie,
comme il faut que je vive ou plutôt que j'oublie !