Si je n’ai pu voir « English Revolution », j’ai en revanche vu « The Station », un petit film d’horreur autrichien réalisé par Marvin Kren et incroyablement survendu par le même homme qui un an plus tôt nous avait survendu l’horrible remake d’ « Histoires de Fantômes Chinois » (il aggrave son cas d’année en année). Bon, n’exagérons rien, « The Station » n’est pas si mauvais que cela, mais lorsque l’on nous annonce avant la projection un film d’une maîtrise incroyable, un futur grand nom du cinéma de genre qui va compter dans les années à venir, et que l’on découvre un gentil p’tit nanar drôle mais assez mal fagoté, on sort forcément déçu.
« The Station » suit une équipe de scientifiques étudiant le réchauffement climatique dans les Alpes qui se trouve confrontée à un organisme entraînant la mutation de la faune locale, rendant celle-ci particulièrement agressive à l’égard de l’homme. L’univers clos de la station d’étude et de ce bout de montagne est plutôt bien géré et offre un temps un certain potentiel dans la tension, mais celle-ci retombe très vite lorsque l’on découvre les monstres attendus, et surtout la façon dont ils sont perçus. Krent choisit une caméra subjective qui rend les attaques des bêtes mutantes plus ridicules que flippantes, un ridicule qui va atteindre son paroxysme dans le dénouement du film, nanaresque à souhait.
Heureusement, je n’en suis pas resté là à l’Étrange Festival, et si je n’ai pas pu voir le nouveau Ben Wheatley (je sais, je rabâche), j’ai pu attraper le nouveau Sono Sion, qui venait tout juste de faire sa Première Mondiale à la Mostra de Venise, ainsi que d’être projeté au Festival de Toronto, avant de sortir dans son Japon natal ces jours-ci. Après être resté des années sans être visibles sur les grands écrans français hormis dans les festivals, le cinéaste nippon a vu deux de ses films sortir en salles ces derniers mois, le puissant « Land of Hope » succédant au poétique et sulfureux « Guilty of Romance ». Et « Why don’t you play in Hell » constitue une œuvre de plus de Sono Sion qui mériterait amplement d’être amené sur les grands écrans hexagonaux.
« Why don’t you play in Hell ? » n’est pas une simple déclaration d’amour au cinéma. C’est un cri du cœur en direction du cinéma tel qu’il se fait rare, le 35mm et ses énormes caméras, les cabines de projection où le bruit des bobines est synonyme de bonheur cinéphile. Ces salles de cinéma qui se vident (dans certains pays), peut-être parce que c’est la crise, peut-être parce que l’on peut désormais regarder les films sur son ordinateur, sa tablette ou son téléphone. Une certaine mélancolie se dévoile entre les lignes du film de Sono Sion, mais une mélancolie qui ne cache jamais la passion, l’exaltation, l’envie qui parcourent le film et les personnages.
C’est parfois maladroit, le film bouillonne tant d’émotions qu’il manque peut-être parfois de tenue, mais c’est aussi ce qui fait sa force et son pouvoir de séduction sur les amoureux des salles obscures qui étaient présents à la projection. Comme une évidence, « Why don’t you play in Hell ? » s’est vu récompensé du Prix du Public, son amour du cinéma ayant trouvé sans surprise écho auprès de ses spectateurs.
La cérémonie qui a vu triompher Sono Sion s’est ponctuée par un film de clôture séduisant à défaut d’être franchement mémorable, « Haunter ». Il s’agit là du nouveau long-métrage réalisé par le canadien Vincenzo Natali, révélé il y a 15 ans (déjà !) par « Cube », et à qui l’on doit notamment le fascinant « Nothing » et l’irritant « Splice ». A la sortie du film, tout le monde semblait résumer le film de la même façon, à quelques mots près : « C’est Un Jour Sans Fin dans une maison hantée ». C’est toujours un peu dommage de réduire un film à une telle formule, même si force est de constater qu’il s’agit peu ou prou de cela.
Malgré cela si cette année j’avais pu venir chaque jour au festival et voir tous les films qui me faisaient envie avant le début des festivités, j’aurais pu voir un beau clin d’œil dans cette répétition quotidienne des jours en clôture du festival. L’Étrange Festival 2013 aura vu une nette baisse de régime de ma part, mais puisque l’an prochain marquera la vingtième édition du Festival préféré des parisiens amateurs de cinéma de genre, je ne doute pas qu’en 2014, je tenterai de redoubler d’effort pour satisfaire mes désirs cinéphiles.