À la rencontre de parents dans la classe de MissLulus, j'ai eu envie d'aller faire un câlin à son professeur. Drette là au milieu de la rencontre. Au moment où elle disait, avec insistance, aux parents d'arrêter de capoter avec les notes de leurs enfants. Que ce n'était pas normal qu'elle gère des enfants qui pleuraient parce qu'ils avaient 80 ou 85%. Que ça n'avait pas d'allure. Elle a dit "Je sais que VOUS êtes énervés parce que VOUS voulez qu'ils aillent au privé l'an prochain....". Elle a longuement insisté sur les "vous" dans sa phrase en soutenant du regard la trentaine de parents présents.
J'ai eu envie de crier "merci".
Bien sûr que c'est important, l'école. Je suis vraiment la première à le dire et à en parler à mes enfants. Je suis la première fatiguante à les reprendre ou à souligner leurs fautes. Je suis la première à encourager l'effort et tout. Mais la vie, c'est important aussi. Et il ne faut pas capoter. Ils sont au primaire. En 5e année. Et là, on leur met de la pression pour l'entrée au secondaire. On leur fait miroiter plein de programmes spéciaux et on se met à penser que si on ne fait pas le bon choix, leur vie totale va être scrap!
Parce que les parents ne carburent qu'aux notes et aux bulletins, sa professeur a pris soin de copier une citation de Stéphane Laporte au tableau: "Un bulletin, ce n'est pas seulement une façon de nous évaluer. Un bulletin, c'est aussi une façon de nous apprendre à nous assumer." Elle nous a averti qu'elle faisait des dictées et des travaux, mais que pour le moment, elle ne les faisait pas signer par les parents pour ne pas que les enfants passent le weekend dans sa chambre à étudier (elle a spécifié qu'elle blaguait... mais on a senti que c'était à peine!).
Vraiment, j'ai eu l'impression (joyeuse!) qu'elle a calmé les parents pour qu'ils arrêtent de stresser leurs enfants avec leurs notes si importantes en 5e année pour "choisir" leur école secondaire. Ça m'a sonné une cloche. En lisant le dernier Châtelaine, dans l'article "Pourquoi les parents fuient l'école publique?", trois phrases m'ont fait capoter. Une mère admet avoir talonné son enfant toute l'année pour qu'il maintienne une moyenne d'au moins 75%... assez pour que "son pédiatre la sermonne au sujet de la pression qu'on met sur les enfants". Un peu plus loin, on apprend qu'elle a inscrit son fils à 5 séances de préparation aux tests d'admission, le samedi matin (!). Puis, le chat sort du sac à la toute fin de l'article. "Je voudrais qu'il réussisse là où j'ai échoué".Ahhhhhhhhhhh! C'est ça!
En tant que parents, on est en train de pousser peut-être trop nos enfants pour compenser un manque personnel. On les force à avoir de super notes en les enrôlant rapidement dans un engrenage de stress et de pression de performance. On le fait avec les meilleures intentions du monde, mais je pense qu'on a besoin de professeurs comme celle de MissLulus pour nous brasser un peu.
Ici, dans le grand Longueuil, il y a toute une bataille qui se joue entre les écoles privées et les écoles publiques qui offrent désormais une foule de programmes spécialisés spéciaux. Aux portes du gymnase durant la rencontre, des écoles avaient leur table pour nous expliquer leurs programmes. On aurait dit une foire... On a des soirs de visites des écoles et des rencontres d'information. C'est complètement fou! Je comprends qu'il faut bien choisir, mais faut aussi se calmer. Au secondaire, il n'y pas beaucoup de cours "spéciaux" ou à réelle option, le programme avec les matières obligatoires est déjà chargé. Mais on leur fait croire qu'ils choisissent déjà leur voie. Ce n'est pas parce que tu prends l'option "concentration théâtre" ou "musique" que tu ne feras des maths, du français, de la bio. On oublie de leur dire ça aussi! Des fois, je suis en train de me demander si on est en train de faire des demandes d'admission à l'université. Même pour le cégep, je ne me rappelle pas que ça a été aussi fou! MissLulus a 10 ans! Je ne savais même pas ce que je voulais vraiment faire à 18 ans après mon cégep et mes expériences de travail. MissLulus a 10 ans et on lui demande de choisir!
Encore dans sa classe, le vendredi après-midi, ils font une plénière de discussion sur les sujets qui les touchent. Le sujet qui revient le plus souvent? Le secondaire. Ça les stresse vraiment. C'est moi où ça ne devrait pas être une source d'anxiété pour eux. C'est juste une suite logique. C'est pas "si gros" que ça. On veut qu'ils réussissent à l'école ou on veut qu'ils aiment l'école. Les deux, bien sûr. Mais il faut d'abord qu'ils aiment l'école pour réussir. Et trop les pousser peut les mener à tout simplement les écoeurer de l'école.
Vraiment, je refuse d'entrer dans cette folie. Je n'ai pas l'impression d'abandonner ma fille et de ne pas lui donner toutes les chances. Je lui ai dit plusieurs fois que c'est à elle de faire de son passage à l'école, une réussite et une super expérience. Au primaire comme au secondaire! Ce n'est pas l'école où tu es qui fait que tu vas aimer ça ou que tu vas avoir des bonnes notes. C'est ce que tu y fais, ce que tu y apprends. C'est comment tu t'y impliques. Comment tu la vis. Il faut leur rappeler ça aussi. Et surtout leur dire que les notes, c'est pas tout dans la vie! (et se rappeler à soi-même si on stresse trop!). On ne veut pas qu'il vire fou en 5e année, quand même!