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Pénibilité: les jeunes sont les plus touchés

Publié le 23 septembre 2013 par Juan
Pénibilité: les jeunes sont les plus touchés C'est peut-être le seul acquis d'une réforme des retraites qui déçoit à gauche, celui dont l'application sera scrutée avec une attention toute particulière: la prise en compte, réelle, de la pénibilité dans le calcul des droits à retraite.
La semaine dernière, le gouvernement a publié son projet de loi de réforme des retraites, comprenant notamment une "étude d'impact". Il y avait matière à mieux cerner cette fameuse pénibilité au travail.
Mesurer la pénibilité
Ce nouveau droit est aussi responsable d'une relative démobilisation sociale contre la réforme. Même la CGT, très hostile comme d'autres à l'allongement (sans fin ?) de la durée de cotisations, a dû concéder ce progrès qui était l'une de ses revendications.
Cette pénibilité revêt donc un enjeu majeur. Rappelons le principe: un salarié exposé à au moins un facteur de pénibilité se verra attribuer un point par trimestre d’exposition, ou deux points en cas d’exposition à plusieurs facteurs de pénibilité, "en fonction de seuils qui dépendent de l’efficacité des mesures de protection mises en place par l’employeur."
Ce compte "pénibilité" personnel sera ouvert en 2015. En termes pratiques, "pour ne pas compliquer la tâche des entreprises, ce sont les fiches de prévention de la pénibilité, créées en 2010, qui serviront de support à l’attribution des points par les employeurs" (cf. la loi du 9 novembre 2010).
Il sera financé par une cotisation de toutes les entreprises (jusqu'à 0,2% de la masse salariale, taux fixé par décret), et une cotisation additionnelle appliquée aux seules entreprises exposantes ("entre 0,3 % et 0,8 % pour les salariés exposés à un seul facteur de pénibilité et entre 0,6 % et 1,6 % pour les salariés exposés à plusieurs facteurs."). Son coût total est estimé à 2,5 milliards d'euros en rythme de croisière.  Ces sommes collectées seront versées dans un fond, établissement public de l'Etat.
Les dix critères du code du travail pour mesurer la pénibilité sont les suivants:
  • Les manutentions manuelles de charges définies à l’article R.4541-2 du code du travail ;
  • Les postures pénibles définies comme position forcée des articulations ;
  • Les vibrations mécaniques définies à l’article R.4441-1 du code du travail ;
  • Les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R.4412-3 et R.4412-60 du code du travail, y compris les poussières et fumées ;
  • Les activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R. 4461-1 du code du travail ;
  • Les températures extrêmes ;
  • Le bruit mentionné à l’article R. 4431-1 ;
  • Le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L.3122-29 à L.3122-31 ;
  • Le travail en équipes successives alternantes ;
  • Le travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.

La loi prévoit aussi l'obligation faite aux entreprises de moins de 50 salariés de conclure un accord de prévention de la pénibilité si au moins la moitié de leur effectif est exposé. Les entreprises de 50 à 300 salariés peuvent être exonérées d'un tel accord si elles sont couvertes par un accord de branche. étendu. A fin août 2013, on dénombrait 15 accords de branche et 4.800 accords d'entreprises.

Les lacunes de la réforme Woerth...

L'étude d'impact fournit quelques chiffres issues de diverses études et évaluations. Ils donnent le tournis. Ils bousculent quelques idées reçues. On mesure aussi combien la réforme Sarkozy/Woerth était ignominieuse sur ce sujet-là, en confondant pénibilité et handicap pour mieux masquer l'ampleur du phénomène: "le nombre de demandes a été plus faible que ne l’indiquaient les prévisions."
D'après le rapport, moins de 9.238 demandes de retraite anticipée pour cause de handicap (accident du travail ou maladie professionnelle) avaient été ainsi effectuées à fin août 2013: 1.515 avaient été rejetées, et 1.218 sont encore en instruction.
Les rédacteurs rappellent les deux failles du dispositif Sarkozy: primo, il supposait "que la reconnaissance de la pénibilité suppose la survenance effective d’une pathologie avant l’âge de la retraite alors que, pour l’essentiel, ce sont des dégradations de la santé survenant postérieurement qui pourront affecter l’espérance de vie en bonne santé" ; secundo, il ne prenait pas en compte "certains facteurs de pénibilité, non encore reconnus comme cause de pathologies spécifiques (comme le travail de nuit)."

Or, et c'est une évidence encore rappelée dans ce rapport, l'allongement de la durée de la vie - surtout en bonne santé- ne profite pas à tous: "l’espérance de vie à 35 ans pour les hommes cadres était plus élevée en moyenne de 6,8 années que pour les hommes ouvriers, dans les conditions de mortalité de 2000-2008." Ou encore: "Les ouvriers sont 6 à 7 fois plus exposés que les cadres à au moins une contrainte physique intense, et jusqu’à 10 fois plus exposés aux risques chimiques."
Qui souffre ?
1. On compte près de 3,3 millions de salariés exerçant des métiers pénibles (2010), soit 18,2% des salariés du secteur privé.  Le secteur public n'est pas évalué.
2. Les jeunes sont plus affectés: 20,4% des moins de 25 ans sont exposés à au moins un de ces critères. "Seuls" 12% des salariés de 60 ans et plus sont concernés. 
Pénibilité: les jeunes sont les plus touchés
3. Quatre secteurs d'activité représentent le gros du contingent des salariés exposés: la réparation automobile et motocycle (569.000 salariés), la construction (374.000), les transports et l'entreposage (345.000) et les services administratifs (303.000).
Les fameux seuils d'exposition aux 10 critères de pénibilité ne sont pas définis. On attend une "concertation" avec les partenaires sociaux.
[NDR: nous avons exprimé ici notre désaccord avec le principe général de cette réforme, l'allongement sans fin de la durée de cotisation, une mesure anxiogène et injuste. Mais la prise en compte de la pénibilité est enfin une bonne chose, il faut noter qu'elle ne permet finalement que de gagner, au maximum, deux années de cotisations sur les 43 qu'on nous demandera en 2035]
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