Echelon et le renseignement électronique américain

Publié le 22 septembre 2013 par Egea
  • Etats-Unis
  • Livre
  • Renseignement

Voici un petit livre que j’ai trouvé, au début de l’été : avec l’affaire PRISM, il prend une actualité incroyable, puisqu’il permet de revenir sur Echelon, ce vaste réseau d’espionnage dirigé par les Américains, à vocation mondiale, et orchestré avec les amis du P5 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). A l’origine créé sous la guerre froide, à l’origine concentré sur les seules écoutes radio, il s’est peu à peu étendu, géographiquement (le monde entier) et fonctionnellement (toutes les émissions radio, téléphoniques, satellitaires, et désormais informatique).

source

Madame Claude Delesse est professeur de sciences de l’information à BEM management School de Bordeaux. Elle travaille sur l’intelligence économique et avait publié en 2004 un premier article sur Echelon. Car souvenez-vous, Echelon est une vieille histoire, qui fut révélée à la fin des années 1990. Du coup, elle signe le premier ouvrage français sur le sujet. Il est même curieux qu’aucun auteur ne se soit penché sur la question, qui avait pourtant défrayé la chronique, presque autant que le bug de l’an 2000, c’est dire.

Ce petit ouvrage au format poche se révèle passionnant et très agréable à lire. Il est articulé en six chapitres. Je ne vais pas ici le résumer. Simplement noter les quelques points que j’ai remarqués. Tout d’abord, qu’on ne voit pas très bien l’intérêt des partenaires minoritaires, qui donnent l’impression de se faire exploiter. Seuls les Britanniques donnent le sentiment de tirer leur épingle du jeu, et encore. Ensuite que dès le début, dès le système UKUSA, les Américains espionnent tout le monde : les membres du groupe Echelon, les alliés sûrs, les alliés distants, et bien sûrs les « ennemis ». On apprend ainsi que cette tradition est ancienne : la conférence de création des Nations-Unies fut réunie à San Francisco afin de pouvoir espionner les communications des délégations. Dès les années 1960, la France gaulliste est espionnée via le programme Corona (p. 36) : les écoutes de l’Elysée ou PRISM ne sont vraiment pas une nouveauté, et je me suis amusé à noter les nombreux cas où les Français ont pâti, en matière politique ou économique, des manœuvres d’espionnage américaines.

Je constate que la tentative de définition des différentes sortes de renseignement (ELINT et COMINT, pp 77 78) peine à convaincre, et pose la question des limites. Au point que je m’interroge : PRISM est-il la couche cyber d’Echelon ? Et à l’inverse compte tenu de l’universalité et du fonctionnement en réseau d’Echelon, celui-ci n’est-il pas l’ancêtre d’Internet (voir p 103 mais aussi 110) ?

Echelon prend un objet principalement économique à partir des années 1990. La transformation en contre terrorisme sous G. Bush n’empêche pas cette priorité économique de demeurer. On note une allusion à Frenchelon et ses stations d’écoute (p 120). J’apprends (entre bien d’autres choses) l’existence de protection TEMPEST contre les impulsions électromagnétique.

Au final, la NSA apparaît comme une organisation tentaculaire, ce qu’elle était déjà et ce que Mme Delesse explique bien, dès 2012, même si le grand public n’en a vraiment pris conscience qu’avec l’affaire Snowden au printemps de cette année.

Au final, un petit ouvrage bien documenté, même si on sent parfois la juxtaposition de sources d'origines, voire d’époques différentes. De même, je regrette cet emploi du mot « colletage », au lieu du traditionnel « collecte » de l’information/ renseignement. Je ne sais si le mot est d’usage chez les spécialistes et si elle l’a repris tel quel. Mais je ne trouve pas ça joli. Ce sont des remarques bien mineures pour ce travail concis et utile, qui ne coûte que 8,2 euros et se lit d’une traite !

Echelon et le renseignement électronique américain

  • Claude Delesse, Éditions Ouest France, 2012.

O. Kempf