J'avais écrit, il n'y a pas si longtemps de cela, un petit dialogue sentimental ici même sur ce blog, poussée par mon intuition et je l'avais intitulé "la vérité sur le véritable". En le relisant, je le trouvais bien provoquant, ou du moins un peu sec, car sans aucune justification.
Lui : Est-ce que tu m'aimes tel que je suis ?
Elle : Certainement pas, je t'aime tel que je te vois et tel que je te compose.
Lui : Mais cet amour n'est pas vrai.
Elle : Mais si justement. La construction de mon amour pour toi est bien plus vraie que ne le sera jamais la moindre de mes interprétations de ton réel. Les vérités se créent et se portent à bout de bras.
Ce qui germait confusément dans mon esprit, continue depuis de s'enraciner, et hier, une fleur perça la tige... En écoutant, Jean michel Oughourlian, chercheur et écrivain, auteur du "Troisième cerveau" je rassemblais quelques pièces de mon imaginaire puzzle. Quant au cerveau de la connaissance et au cerveau de l'émotionnel, il rajouta le cerveau mimétique, celui qui active les neurones miroirs, expliquant comment l'homme procède toujours par imitation, alors je comprenais où mon intuition prenait sa source... Ce que j'appelle chez moi le syndrome de l'éponge, ma capacité fortement développée à entrer en empathie avec l'autre, de gober chaque geste, chaque accent, chaque mot de vocabulaire, me permet d'aller jusqu'à penser comme l'autre pense... et je le redisais encore dans mon article précédent "J'ai besoin de vous" :
"(...) Ce moment est toujours aussi fugitif, à peine conscient, à peine réél et pourtant, à cet instant précis, je ressens exactement la même chose que lui. Il m'aspire dans son miroir. (...) Je n'existe que dans l'autre. L'histoire de l'homme seul sur une île, c'est l'histoire de l'homme qui n'existe pas."
En somme, ce que démontre Oughourlian, c'est qu'il n'y a pas de "Moi". Le moi change en permanence puisqu'il se modifie toujours en fonction de l'autre, des autres.... "L'inconscient c'est les autres" affirme-t-il. Ça tombe bien par ce que ça jette à la poubelle une bonne fois pour toute cette phrase que je déteste : "on ne change pas l'autre".
Cela induit également que finalement, il bien difficile d'être "différent", "original". On est unique comme les autres. Léonard de Vinci, Picasso, Marcel Proust ont eux aussi été complétement influencés par les autres... Mais ce n'est pas ce sujet qui m'intéresse.
Ce qui est vertigineux dans cette découverte scientifique, c'est bien que s'il n'y a pas de "Moi", alors, c'est le gouffre ! Un puit sans fond dans lequel on peut jeter à jamais toutes nos quêtes existentielles, car dès lors qu'est-ce que l'amour ? Qu'est-qu'est-ce que la vérité ? Qu'est-ce que le beau ? Toutes ces notions tellement subjectives ?...
Ça me fait réfléchir à la question du chagrin d'amour, ce déchirement, ce sentiment que l'on n'arrivera plus à être soi sans l'autre.... Et bien c'est vrai, sans l'autre on ne sera plus jamais ce soi là... La bonne nouvelle, c'est que comprenant cela, on peut compenser en allant à la rencontre de ces autres qui nous permettront, petit bout par petit bout, de reconstruire ce soi tant aimé... "L'enfer c'est les autres" disait Sartre, certes, mais il faut désormais ajouter, à la lumière ce que j'entrevois des découvertes de Oughourlian que "mon salut c'est les autres"... Il faut rencontrer les autres pour se rencontrer soi-même.
J'ai besoin de toi + toi + toi + toi + toi + toi + toi.....
Photo - Georges Braque et Picasso