Neuf poètes argentins, précise la couverture de ce recueil bilingue. Ici, je n’en garderai que quelques vers (en français) pour chacun, trop peu sans doute, car les poèmes choisis pour cette anthologie devraient être lus en entier. Mais assez, j’espère, pour donner l’envie de les découvrir.
Me voici
dans la solitude lumineuse,
pleine, habitée
de feux et de fenêtres.
La maison
flambe en tournesols
comme un enfer glacé
entre des huiles
et des vents jaunes.
Susana Cabuchi
Oblique, le désir est affaire
de simple perspective.
Tout ce qui s’offrait à son regard
se condensait dans la densité
de ce rêve dont il ignorait le contenu,
et dont l’anecdote sans doute l’excluait.
Julio Castellanos
Tes pas sont chemin et traces,
avec toi commencera un autre jour
et le jour est aussi souvenir dans la nuit.
Antonio Moro
Le lundi mon père rentrait tard
et apportait du chocolat amer.
Dans le grand lit maman nous lisait
La Case de l’Oncle Tom.
Nous aimions le lundi (…)
Maria Teresa Andruetto
Le midi de l’abeille sonne son chant de grâces.
Pour être elle-même, la mélodie
ne se retarde ni ne se trompe, elle se repose
silencieuse dans l’instrument en attendant son heure.
Il n’y a qu’un pas pour s’égarer du paradis,
il n’y a qu’une pensée.
Qui jette une pierre et blesse la quiétude de l’eau,
se découvre parmi les mille visages que le miroir brisé lui offre.
Pablo Urquiza
Aujourd’hui, amis, je parlerai du bois,
pas du santal précieux,
ni de l’ébène en sa nuit africaine,
ni du parfum des résines d’Orient ;
aujourd’hui je veux parler du bois
du simple bout de bois qui remue le ragoût
tandis que les péons attendent…
César Vargas
A quoi bon s’abîmer
En baisers
non
En raisons
non
S’obstiner
Se vêtir de ronces
A quoi bon ruminer
de fleur en fleur
Butiner des certitudes
Fleur à fleur ?
Susana Arevalo
A Paris ou à New-York l’eau des fleuves se teinte lentement de rouge
Des fillettes jouent à ramasser des coquillages loin de la mer
qui s’est emplie de petites étoiles.
Hugo Francisco Rivella
Là-bas
Sur l’agreste terrasse
Du sang
Où l’herbe attend
L’irruption de ton ombre,
La fraîcheur de ton pied,
L’intangible légende de ta voix
Sous l’ardent cristal
De l’été.
Carlos Garro Aguilar