[DVD] “West of Memphis” de Amy J. Berg

Publié le 10 septembre 2013 par Boustoune

Le 5 mai 1993, Steve Branch, Michael Moore et Christopher Byers, trois garçons de huit ans qui habitent le même quartier de West Memphis, Arkansas, partent jouer ensemble dans les environs. Quelques heures plus tard, inquiètes de ne pas les voir revenir, leurs familles préviennent les autorités et des battues sont menées pour les retrouver.
Leurs cadavres sont retrouvés le lendemain, dans un fossé. Ils ont été dénudés, ligotés avec leurs propres lacets et jetés dans les eaux boueuses de cette zone de drainage. Leurs corps portent des traces de lacération, notamment au niveau des organes génitaux.
Les experts mandatés concluent à une sorte de crime rituel perpétré par un culte satanique.
Quand les policiers demandent à la population qui pourrit appartenir à un groupe d’adorateurs du Diable, plusieurs voisins désignent illico trois adolescents : Jessie Misskelley, Jason Baldwin et Damien Echols. Ils s’habillent de noir, écoutent du hard rock et se distinguent des autres par leur comportement frondeur et violent. Des clichés ambulants, trop beaux pour être vrais…
Les enquêteurs les placent en garde à vue et les harcèlent de questions. Lors de son audition, Misskelley finit par craquer et avoue avoir participé aux meurtres, confirmant au passage leur aspect sataniste.
Les deux autres suspects ont beau clamer leur innocence, les policiers, la population, les média sont tous persuadés d’avoir trouvé les coupables. Lors des procès, le jury les suit et condamne les trois accusés à de lourdes peines : perpétuité pour Misskelley et Baldwin, peine de mort pour Echols, qui était majeur au moment des faits…

Affaire classée?
Hé bien non, pas du tout…
Les joutes verbales des avocats et des procureurs, lors des procès, ont laissé entrevoir des failles dans le dossier de l’accusation. Et plusieurs journalistes, dont les documentaristes Joe Berlinger et Bruce Sinofsky qui tournent un film sur l’affaire, pour HBO (1), s’intéressent alors aux éléments de l’enquête.
Ils découvrent que de nombreux éléments à charge ne tiennent pas la route : Misskelley est revenu sur ses aveux, qui, d’après ses avocats, ont été extirpés de manière douteuse par les policiers, avec des questions un peu trop orientées et une forte pression psychologique. Certains témoins qui avaient juré que les trois adolescents étaient membres d’une secte sataniste sont eux aussi revenus sur leurs déclarations, affirmant avoir menti pour se venger du comportement de ces mauvais garçons.
Il apparaît que la police a très mal fait son travail : Les procédures d’investigations n’ont pas été respectées, le médecin-légiste a été prévenu tardivement, les cadavres ont été déplacés avant qu’il puisse intervenir, la scène de crime a été piétinée et n’a pas été passée au crible comme elle aurait dû l’être. D’ailleurs, il est fort probable qu’il ne s’agissait pas du lieu du crime, mais juste du lieu où ont été déposés les cadavres, ce qui remet complètement en cause les thèses policières.
Tout, dans le dossier, transpire l’amateurisme : rapports incomplets, recherches d’indices bâclées, interrogatoires oubliés ou traités par dessus la jambe, conclusions de pseudo-experts hâtives ou totalement erronées…
Plusieurs spécialistes affirment que le procès a été au mieux inéquitable et au pire qu’il s’agit d’une terrible erreur judiciaire. Des groupes de soutien s’organisent, oeuvrant pour la révision des jugement en appel, à l’aide de nouvelles preuves…

Produit par Peter Jackson et réalisé par Amy J. Berg, West of Memphis retrace l’intégralité de cette sombre affaire, partant l’enquête initiale, où tout désignait les “3 de West Memphis” comme les coupables des meurtres commis, pour s’intéresser aux investigations parallèles, qui ne laisse plus guère de doute quant à leur parfaite innocence. Car au fil des minutes, de batailles d’experts en tests ADN, de nouveaux témoignages en nouvelles révélations, c’est un tout autre scénario qui se dessine, bien plus crédible que cette histoire de crime rituel perpétré par des ados gothiques en mal de sensations fortes, car plus “banal”.
Captivant de bout en bout, ce documentaire-fleuve (2h27) dénonce les failles du système judiciaire américain, qui permet de condamner des individus pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, sans preuves tangibles, juste parce que l’opinion publique est contre eux. Un système qui ne sait pas reconnaître ses erreurs, qui préfère laisser des innocent pourrir en prison ou pire, attendre leur exécution, plutôt que de renier des jugements pourtant sujets à caution.
Il fait également froid dans le dos, en sous-entendant que le véritable auteur des crimes est parfaitement identifié et ne sera sans doute jamais inquiété, et suscite un certain vertige, car le type que la contre-enquête accuse est, lui aussi, un coupable tout désigné, une caricature de bouseux violent et manipulateur… Est-il réellement l’auteur du triple meurtre ou bien sommes-nous influencés par les images et le montage de ce documentaire à charge? Toujours est-il que le film suscite la réflexion…

On verra quelle version de l’histoire en donne Atom Egoyan dans son Devil’s knot, puisque ce long-métrage, tiré du livre éponyme de Mara Leveritt, lui aussi consacré au fait divers et aux batailles judiciaires menées pour innocenter les “3 de West Memphis”, devrait sortir en salles très prochainement.
Ceci explique peut-être pourquoi West of Memphis, malgré des qualités artistiques évidentes, ne bénéficie pas d’une exploitation cinématographique et doit se contenter d’une sortie en VOD et DVD. Dommage… Mais l’essentiel est que le film puise avoir une chance de trouver son public, et on peut remercier Sony Pictures de nous proposer cette  édition vidéo de belle facture, agrémentée, de surcroît, de commentaires audio passionnants et de scènes supplémentaires.

Que vous soyez passionnés de reconstitutions d’affaires criminelles, amateurs de documentaires bien ficelés ou cinéphiles appréciant les films engagés et subtils, vous devriez trouver matière à satisfaction devant West of Memphis. Amy J. Berg, déjà remarquée avec Délivrez-nous du mal, son documentaire-choc sur l’affaire O’Grady et sur le comportement de l’église Catholique face au scandale des prêtres pédophiles, sait comment retracer la chronologie d’un fait divers tout en sortant des sentiers trop balisés du reportage télévisé. Elle sait comment agencer les séquences pour donner à l’oeuvre une autre dimension, plus humaine, moins mécanique. Sans doute sera-t-elle une nouvelle fois nommée aux Oscars pour ce film-là. Et  on attend désormais de voir ce que la cinéaste est capable de faire avec une oeuvre de fiction (2).
(1) : Paradise lost, qui sera suivi de deux autres volets, au gré des révélations et des démarches menées par les avocats des condamnés.
(2) : C’est pour bientôt, puisque  Every secret thing vient d’être présenté au Festival du film Américain de Deauville.

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West of Memphis
West of Memphis

Réalisatrice : Amy J. Berg
Avec :  Jessie Misskelley, John Mark Byers, Jason Baldwin, Damien Echols, Peter Jackson
Origine : Nouvelle-Zélande, Etats-Unis
Genre : documentaire
Durée : 2h27

Note : ●●●●●

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BONUS

- Scènes supplémentaires
- Commentaire audio d’Amy Berg, Damien Echols et Lorri Davis

Note globale des bonus : ●●●●○○

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DVD9 – Zone 2 – PAL – Couleur – Format 16/9 compatible 4/3 – 1.78  – Durée totale : 165  mn

Langues : Anglais Dolby 5.1 Sous-titres : Français, Anglais, Arabe, Allemand, Danois, Finlandais, Néerlandais, Norvégien, Suédois, Turc.

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EDITION / DISTRIBUTION

Sony Pictures Home Entertainment
Sortie le : 18/09/2013
Egalement disponible en VOD
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