Nous voici donc sur la route de Ferpècle, après les Haudères. Nous avançons dans des paysages incroyables, sur des routes à couper le souffle. Une fois la voiture garée, nous nous rendons très vite compte que nous ne sommes pas seuls. C'est un dimanche après-midi comme il y en a tant d'autres en Suisse, où les familles, après déjeuner, se retrouvent chaussures aux pieds pour arpenter tranquillement les sentiers de randonnées (rimes en "é"). Le chemin commence par grimper un tantinet puis devient plus doux, large, quasiment plat par moments. Les sonnailles des vaches Hérens se font entendre dans le lointain, mais pas l'ombre d'une noiraude aujourd'hui. Elles cherchent l'ombre, sans doute. Et nous, nous cherchons la beauté. Nous la trouvons sans aucun problème dans ce coin de paradis fréquenté par des marcheurs hédonistes, ennemis de la performance, bouquets de fleurs dans les sacs-à-dos et sourires aux lèvres, simplement venus se rassasier de perfection avant de reprendre une semaine de travail que l'on imagine beaucoup plus facile après ça. Car quelle chance ils ont, ces valaisans, de faire cette balade-du-dimanche-là plutôt qu'une sortie dans une morne plaine ou au coin d'une rue polluée ! Quelle chance de pouvoir se ressourcer ici, quel luxe ! La richesse de la Suisse n'est pas forcément là où on l'attend...
Et, au-dessus de nos têtes, la montagne totem, la Dent Blanche, énorme baleine prête à engloutir de sa gigantesque bouche la minuscule cabane d'Arolla perchée tout là-haut et qui lui fait face courageusement. Où sont les yaks ? Où sont les sherpas ? Où sont les lamas marchant sur les plaines de sel ? Où sommes-nous donc ici, si près et si loin, sur ces terres exotiques et familières à la fois, accueillantes pour un temps mais dont on sent bien qu'elles restes sauvages ? Des terres vivantes, qui respirent, se contractent, s'allongent langoureusement et se cabrent. Et la vénérable montagne aux neiges éternelles qui règne en déesse des lieux.
Au revoir le Valais, au revoir les Alpes. La caméra fait un zoom arrière fulgurant : lac, montagnes, chaîne, territoire, pays, continent, planète, puis, plus rien, le néant. S'il ne devait en rester qu'une poussière, elle se glisserait non pas dans l'oeil mais viendrait se nicher au creux de la peau et recouvrirait notre coeur d'une feuille d'or.