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Spitzer brouille la frontière entre naines brunes et exoplanètes

Par Memophis

Ni vraiment des planètes, ni vraiment des étoiles, les naines brunes rendent perplexes les astrophysiciens qui veulent les classer dans leur bestiaire. Spitzer a été utilisé pour mieux connaître les naines brunes Y découvertes par Wise. En déterminant mieux leurs distances, luminosités et températures, les chercheurs se sont rendu compte qu'elles étaient un peu plus chaudes et plus complexes chimiquement que prévu.

     

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Une vue d'artiste d'une des naines brunes Y découvertes par Wise et observées de plus près par Spitzer. Ce sont les naines brunes les plus froides connues. Si l'une d'entre elles était en orbite autour d'une étoile de la séquence principale, on pourrait se résoudre à la qualifier d'exoplanète géante gazeuse. © JPL-Caltech, Nasa

 

C’est Jill Tarter, une exobiologiste connue pour être l'une des figures de proue de Seti, qui a proposé le terme « naine brune » en 1975. Elle comblait ainsi un manque en astronomie pour désigner un astre trop massif pour être une géante gazeuse comme Jupiter, mais pas assez pour être considéré comme une étoile. Le seuil de masse qui fait passer une géante gazeuse du rang de planète à celui d’« étoile ratée » (comme on désigne parfois les naines brunes) ne fait pas l’unanimité. Tous les scientifiques s’accordent cependant sur le fait que ces astres ne sont pas le lieu de réactions thermonucléaires longues comme celles du cycle de Bethe-Weizsäcker.

En général, on considère qu'une naine brune doit avoir une masse supérieure à 13 fois celle deJupiter (ce qui est la masse minimale au-delà de laquelle un astre peut brûler du deutérium) et inférieure à 0,07 masse solaire, c'est-à-dire celle au-dessus de laquelle les réactions de fusion thermonucléaire habituelles dans les étoiles peuvent s'enclencher durablement. Lorsque les naines brunes les plus massives brûlent leur deutérium, cela ne saurait être qu’une période transitoire de leur existence durant de 1 à 100 millions d’années tout au plus.

Wise et les naines brunes Y

On répartit les naines brunes en différentes classes spectrales (comme les étoiles) : M, L, T et Y avec des températures de surface allant d’un millier de degrés à plus d'une centaine de degrésCelsius environ. Comme elles sont petites et froides, en comparaison aux autres étoiles, elles sont peu lumineuses et donc très difficilement détectables dans le domaine visible. Par contre, on peut les repérer dans le domaine infrarouge scruté par les instruments du Wide-field Infrared Survey Explorer (Wise).

On a représenté sur cette image la vue qu'aurait un observateur à environ 100 années-lumière du Soleil et regardant en direction d'Orion. Les lignes rouges connectent en leur point de convergence le Soleil, à peine visible, et désignent les lieux où se trouvent les naines brunes Y de Wise et Spitzer.

On a représenté sur cette image la vue qu'aurait un observateur à environ 100 années-lumière du Soleil et regardant en direction d'Orion. Les lignes rouges connectent en leur point de convergence le Soleil, à peine visible, et désignent les lieux où se trouvent les naines brunes Y de Wise et Spitzer. © JPL-Caltech, Nasa

Wise a notamment permis de prouver l’existence des naines brunes Y et donc de détecter les naines les plus froides connues. La caractérisation des propriétés de ces astres laissait tout de même à désirer avec les instruments de Wise. Heureusement, comme vient de le démontrer un groupe d’astrophysiciens en déposant un article sur arxiv, il a été possible d’utiliser Spitzer pour y remédier.

Des naines brunes Y plus complexes que prévu

Spitzer a en particulier permis de préciser les distances de plusieurs naines brunes Y en utilisant la méthode de la parallaxe. C’est l’une des plus vieilles méthodes connues en astronomie pour mesurer les distances des astres. L’astronome et mathématicien Friedrich Wilhelm Bessel utilisa cette méthode pour la première fois en 1838, pour déterminer la distance d’une étoile au Soleil, la binaire 61 du Cygne. Gaïa s’apprête à faire des mesures de la position des étoiles dans la Voie lactée particulièrement précises avec cette même méthode.

On sait donc, grâce à Spitzer, que les naines brunes les plus froides connues sont situées à des distances comprises entre 20 et 50 années-lumière du Soleil. Leurs luminosités et leurs températures sont aussi mieux déterminées, et l’on sait ainsi que celles de leurs surfaces sont comprises entre 400 et 450 K. Quant à leurs masses, elles peuvent aller de 5 à 20 fois la masse de Jupiter : ce qui tend une fois de plus à brouiller la frontière entre exoplanètes géantes et naines brunes.

Les chercheurs ont tout de même été surpris. Diverses caractéristiques de ces naines brunes ne sont pas corrélées avec leurs températures de la façon dont les astrophysiciens s’y attendaient. Il semble que la convection joue dans ces corps célestes un rôle plus important que prévu en mélangeant les molécules. La gravité de surface et les nuages semblent aussi compliquer la description des naines brunes Y.


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