Les modèles de matière noire sur ordinateur prédisent généralement qu’elle doit se concentrer dans les noyaux des galaxies. Pour tester cette hypothèse, on se servait des mesures des vitesses de la matière dans les galaxies naines. Or, depuis environ 20 ans, théorie et observation ne s’accordent pas. Voilà qui vient peut-être de changer, avec un modèle de la matière noire froide un peu plus étayé.
Par exemple, les galaxies naines d’Andromède continuent de défier le modèle de la matière noirefroide parce qu'elles sont rassemblées en un disque, au lieu d’être réparties dans un halo sphérique. Il y a aussi, connu depuis une vingtaine d’années, le fameux « problème de la concentration dans le cœur ». D’après le modèle de la matière noire froide – ou plutôt plusieurs des modèles les plus crédibles basés sur des particules de matière noire bien particulières –, sa concentration dans les galaxies naines ne devrait pas être uniforme.
Des déterminations de densité de matière noire problématiques
Selon les théoriciens et les simulations faites sur des superordinateurs, comme celles de la Dark Energy Universe Simulation (DEUS) Full Universe, la matière noire devrait être plus abondante dans le cœur des galaxies naines, et même dans celui d’autres galaxies comme la Voie lactée. Or, selon les mesures des astronomes, il n’en est rien. Différentes explications ont été proposées. On peut par exemple supposer que les particules de matière noire interagissent fortement entre elles ; ou simplement préférer modifier la loi de la gravitation en utilisant Mond, c'est-à-dire se passer de particules de matière noire.
Une vue du superordinateur Lonestar. On a peut-être résolu grâce à lui une des énigmes de la matière noire. © Université du Texas
Deux astronomes de l’université du Texas à Austin pensent qu’ils ont peut-être résolu le problème. Ils viennent de publier sur arxiv un article qui propose une tout autre solution et dans le cadre du modèle cosmologique standard. Ils se sont basés sur des observations concernant les galaxies naines de la Voie lactée comme celle de la Carène, du Fourneau et du Dragon, mais aussi sur des simulations numériques avec le supercalculateur Lonestar du Texas Advanced Computing Center (TACC).
Ils ont cherché à contourner un écueil rencontré lors de toutes les tentatives de mesure de la quantité et de la distribution de matière noire dans les galaxies naines. D’ordinaire, on considère un modèle basé sur certaines hypothèses physiques avec des paramètres libres. On ajuste ensuite ces paramètres avec les observations. Les deux chercheurs ont utilisé Lonestar pour reconstruire directement, à partir des mesures des vitesses de la matière normale dans les galaxies naines choisies, la distribution de matière noire. Ils espéraient de cette façon éliminer certains biais possibles dans les précédentes tentatives de détermination de la répartition de la matière noire dans les galaxies.
Une matière noire répartie différemment selon les galaxies
Les deux astrophysiciens ont alors découvert que la répartition de la matière noire était, en fait, différente selon les galaxies. Dans certains cas elle était uniforme, dans d’autres elle possédait un pic central prononcé dans le cœur de la galaxie naine, alors que dans certains satellites de la Voie lactée une distribution intermédiaire était mesurée. En faisant la moyenne de ces distributions, on constate finalement qu’il y a bien une concentration de matière noire dans les cœurs des galaxies naines. Le modèle de la matière noire froide est donc correct, pourvu que l’on considère des moyennes et pas des cas individuels.
On peut donc dire que le problème de la concentration dans le cœur est résolu, mais il laisse encore des questions en suspens. Il faudra peut-être affiner les modèles de matière noire ou, plus probablement, tenir compte, lors de la formation et de l’évolution des galaxies naines, des interactions entre distribution de matière noire et de matière normale.