Mon introduction semble probablement suggérer un livre abscons. Pas du tout en fait. Ubik se lit très facilement, et il est même raisonnable d'envisager quelques heures de libre devant soi avant de l'ouvrir. On peut se retrouver à ne plus vouloir le lâcher – ce qui a été mon cas, par exemple, même si je le connaissais déjà : le livre a été un des chocs de mon adolescence.
La situation de départ. On est en 1992, ce qui est le futur du passé, Ubik ayant été écrit en 1966. La société est plus matérialiste que jamais : tout se paie, le fait d'ouvrir une porte, un frigo, par exemple, généralement à crédit, sauf si vous êtes à découvert, comme le héros, Joe Chip, obligé d'insérer des pièces pour tout. Dix cents pour faire marcher sa cafetière, cinq cents pour sortir de chez lui.
Joe Chip travaille dans une entreprise de neutralisateurs, qui a pour tâche de repérer et combattre le champ émis par les précogs prédisant l'avenir et par les télépathes, qui s'insèrent dans les entreprises ou chez les privés pour les influencer. Entreprise gérée par le vieux Runciter et sa femme, morte depuis des dizaines d'années, en semi-vie dans un moratorium de Suisse, congelée dans un cercueil et réveillée régulièrement par son mari quand il a besoin de conseils.
Dans son atmosphère d'incertitude et de transformation, influencée par les drogues dont Dick était un gros consommateur. Dans sa description symbolique d'un univers gnostique, où l'homme, un être divin, est enfermé dans un labyrinthe matériel imparfait, cruel, factice, créé par un démiurge malfaisant ou impur. Un monde qu'il est de notre devoir de démasquer, serait-ce pour pénétrer ensuite dans un deuxième labyrinthe, tout aussi faux, etc.
Philip KJ. Dick, Ubik, 10/18