Concours de mini-miss, hémicycle de maxis cons

Publié le 20 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Le Sénat interdit les concours de beauté pour enfants. Constructivisme, quand tu nous tiens !

Par Baptiste Créteur.

Le Sénat a voté l'interdiction de l'organisation de concours de mini-miss.

Les sénateurs ont accepté par 196 voix pour et 146 contre, un amendement de la centriste Chantal Jouanno (UDI), qui prévoit une sanction de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amendes pour les organisateurs de ces concours, "qui ne concernent que les filles", a souligné l'ancienne ministre. "Ne laissons pas nos filles croire dès le plus jeune âge qu'elles ne valent que par leur apparence. Ne laissons pas l'intérêt commercial l'emporter sur l'intérêt social"

Grâce aux sénateurs, donc, nos filles seront épargnées, ne seront pas soumises à l'image dégradante que ces concours donnaient d'elles ; mieux, elles n'auront pas l'illusion que c'est par la beauté qu'elles réussiront.

Je pense qu'il faudrait aller plus loin. Pour ne pas laisser nos filles croire dès le plus jeune âge qu'elles ne valent que par leur apparence, je propose qu'on impose des quotas de célébrités moches. Cela semble déjà exister en politique, mais ce ne sont malheureusement pas nos chers élus qui sont les plus visibles au petit écran, dans les magazines et sur les abribus.

Le Défenseur des Droits a d'ailleurs déjà été saisi pour enquêter sur le recrutement d'Abercrombie & Fitch, qui privilégie les vendeurs au physique avantageux. Après tout, les moches aussi ont le droit de devenir vendeur chez Abercrombie & Fitch, c'est une évidence.

Je pense aussi qu'il faut interdire les concours de miss, toutes catégories d'âge confondues. Les démonstrations de leurs multiples talents, des claquettes aux origamis, et leurs discours niais, ne trompent personne : les miss sont jugées sur leur apparence. Scandale. Même sort pour les concours de body-building ; pourquoi les hommes devraient-ils, eux, être soumis à l'illusion qu'ils sont jugés sur leur apparence ?

Mais n'oublions pas l'essentiel : ce sont les enfants qu'il faut protéger. Combien de contes de fées évoquent une belle princesse et un prince charmant ? Au-delà de l'évidente menace sexiste qui exige de nous, adultes responsables, que nous réécrivions ces contes pour laisser la part belle au beau prince délivré par une princesse charmante, il ne faudrait pas encourager la discrimination sur l'apparence.

Ouvrons donc à nos enfants nos livres de contes revus et corrigés, où un paysan au physique ingrat délivre une repoussante sorcière des griffes d'un prince charmant – n'hésitons pas à faire des gens beaux les ennemis pour enfoncer le clou. Offrons à nos enfants des poupées aux cheveux secs et cassants, à la peau grasse et aux mensurations plus proches de celles d'une sénatrice que de celles d'une miss – aux filles et aux garçons, pour lutter contre la construction sociale du genre.

Interdisons le porno. La pornographie renvoie une image dégradante de la femme, réduite à un objet sexuel, et elle perturbe le travail des parlementaires – j'aimerais que soit menée en France la même enquête que celle qui a révélé que les députés britanniques passaient un temps considérable à consulter des sites pornographiques, les résultats seraient sans doute amusants. Et interdisons d'un bloc tous les vêtements et comportements dégradants pour la femme – je laisse le soin au lecteur de ranger ici tout ce qu'il considère comme dégradant, notion aussi subjective que la beauté.

"Tu es sa mère, tu dois la protéger"

Chers sénateurs, soyons sérieux. Ce n'est pas à vous de décider ce que doivent penser les jeunes filles, ce n'est pas à vous de choisir à la place des parents le programme de leur progéniture, ce n'est pas à vous d'autoriser ou d'interdire des concours ou foires. Faire comprendre aux enfants que l'apparence n'est pas la seule chose qui compte n'est pas votre rôle, et vous n'y arriverez pas.

Vous luttez contre des millénaires d'évolution. L'importance que l'être humain accorde à la beauté chez un potentiel partenaire ne disparaitra pas en supprimant les concours de mini-miss, pas plus que l'importance du pouvoir, de la réussite, et d'un nombre d'autres facteurs qui vous paraitront sans doute injustes mais après lesquels vous courrez autant que les autres. N'est-ce pas pour conserver pouvoir et richesse que vous votez contre l'interdiction du cumul des mandats ?

Je pense que ces concours plaisent aux parents, peut-être aux enfants, et je pense qu'il est de la responsabilité des premiers d'élever les seconds. Ce n'est pas à l’État de définir ce pour quoi les individus ont de la valeur ; la plupart d'entre vous en ont une vision assez erronée pour penser qu'ils peuvent décider correctement pour les autres.

Les valeurs des citoyens influencent leur choix de leurs hommes politiques, et le résultat est souvent inquiétant. L'inverse, toutefois, est pire qu'inquiétant ; quand les hommes politiques tentent de construire un individu nouveau, ça finit toujours mal. C'est ce qu'on appelle totalitarisme, quand l’État et la société ne font plus qu'un et qu'on tente de décider de ce que font et pensent les individus.

Si vous voulez continuer dans cette direction, donnez-vous en au moins les moyens. Votre idéal d'un homme et d'une femme nouvelle, débarrassés de leurs préjugés et tolérants, n'accordant aucune valeur à l'apparence, libérés des stéréotypes de genre demande un peu plus de conviction qu'une interdiction de banals concours. Vos fins sont si belles, donnez-vous les moyens de les atteindre ! Et permettez que je vous recommande de vous intéresser au parcours et aux idées de trois femmes qui ont su miser sur autre chose que leur apparence.