Le projet de loi, déposé le 15 mai dernier en "procédure accélérée", a déjà été amendé en commissions.
Promesse de campagne
Il s'était perché sur une estrade improvisée, un jour gris de février 2012, à Florange. Le moment était chargé d'émotions, la tension était forte. Et Hollande lâcha sa fameuse promesse:
" Je suis venu vous dire que si Mittal ne veut plus de vous, je suis prêt à ce que nous déposions une proposition de loi qui dirait (et je veux que ce soit ici comme pour d'autres sites): quand une grande firme ne veut plus d'une unité de production mais ne veut pas la céder, nous ferions obligation pour que des repreneurs viennent et puissent donner une activité supplémentaire."
Dix-huit mois plus tard, qu'en est-il ?
Quelle obligation de reprise ?
Le grand objectif de cette loi est d'obliger les grandes entreprises à trouver un repreneur, (1) c'est-à-dire leur interdire de fermer un site; (2) de les sanctionner si elles n'y parviennent pas; (3) sauf s'il n'y a pas de repreneur.
L'Article 1er créé ainsi de nouvelles obligations pour le dirigeant d'une entreprise de plus de 1000 salariés, souhaitant fermer l'un de ses établissements. Certains ont critiqué le seuil de 1.000 salariés: à quel seuil considère-t-on une entreprise comme "grande". La loi vise tout établissement ou filiale d'un groupe d'au moins 1000 salariés.
En premier lieu, l'obligation de chercher un repreneur: le dirigeant aura trois mois pour rechercher un repreneur: réalisation d'un bilan économique, social et environnemental, communication de "toute information nécessaire" aux candidats à la reprise, "exceptées celles dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’ensemble de son activité", examen des offres de reprise et, finalement, réponse motivée aux candidats.
Il faudra qu'il informe en parallèle "les salariés, par la voie du comité d’entreprise" et l'administration des raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture ; et des mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour trouver un repreneur.
Le comité d'entreprise peut décider de "participer à la recherche d’un repreneur", et, alors, recevoir les informations adéquates et, de plus, recourir à "l’assistance d’un expert rémunéré par l’entreprise".
En cas d'échec de cette phase préventive, il faut juger si l'entreprise a fait le maximum. Le comité d'entreprise peut "saisir le président du tribunal de commerce en cas de non-respect par le dirigeant de l’entreprise des obligations mentionnées aux articles L. 614-1, L. 614-3, L. 614-5 et L. 614-6 ou de refus de donner suite à une offre ayant reçu un avis favorable du comité d’entreprise". Et le tribunal de juger l'affaire. Il pourra sanctionner l'entreprise d'une nouvelle pénalité pouvant aller jusqu'à vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé.
Edouard Martin, l'une des figures emblématiques de la lutte à Florange, délégué CFDT, s'est emporté. La loi, selon lui, est insuffisante puisqu'elle ne prévoit pas la nationalisation des sites à vendre: "Quand l'Etat veut faire passer une autoroute ou une ligne TGV, il ne se gêne pas pour exproprier. Pourquoi ne pas faire pareil quand on estime qu'une industrie est stratégique pour le pays ?"
L'article 2 promet la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur les modalités d'affectation de la nouvelle pénalité prévue à l'article 1er aux territoires et aux filières concernées. L'article 3 impose à l'administrateur chargé de la procédure de redressement judiciaire d'informer les salariés qu'ils peuvent déposer une offre de reprise totale ou partielle de l'entreprise.
Mais la loi essaye d'aller plus loin, et cela effraye notre patronat. On mesure, à leur crainte exprimée, que le chemin est long... Il s'agit pourtant de favoriser ce fameux capitalisme industriel, celui qui pense à l'investissement plutôt qu'au cours de bourse. Jugez plutôt: le seuil de déclenchement obligatoire d'une offre publique d'achat (OPA) serait abaissé de 30 à 25% du capital. Mieux, l'article 5 promet la généralisation du droit de vote double aux actionnaires détenant des parts d'une entreprise depuis plus de deux ans. Récompenser les actionnaires durables, n'est-ce pas souhaitable ? Deux ans... est-ce si long ?
Cet été, quelque lobbies puissants se sont acharnés pour détricoter la loi.
L'article 6 traite de l'élargissement des attributions du comité d'entreprises lors d'une OPA. Cette disposition a fichu la trouille au patronat. En juillet dernier, l'AFEP, le MEDEF et Paris Europlace s'étaient déjà émus des dispositifs anti-OPA hostile qui, selon eux, risquaient de dévaloriser le cours de bourse des entreprises françaises. Pensez-vous ! Combien de millions d'actions gratuites et autres stock-options cette disposition allaient déprécier ? En commission, la loi fut donc charcutée.
Reste une mesure qui permet encore, au comité d'entreprise, de bloquer une OPA hostile, en imposant une procédure de médiation.
C'est peu.
Mais c'est déjà cela.
Lire le projet de loi.