Aurions-nous tous l’esprit motard ?
Cette question a de quoi surprendre !
Globalement, reconnaissons le fait évident que nous retenons quelques griefs à l’encontre des motards ; ils roulent trop vite même quand ils roulent doucement,
déboîtent de partout comme s’il en pleuvait, klaxonnent à tout va, bref, la liste est longue sans compter leur manque de solidarité incontestable dans les bouchons qu’ils déjouent comme des
furets.
Pourtant, je persiste, aurions-nous l’esprit motard ?
Afin d’étayer mes propos, transposons-nous un court instant dans le métro aux heures de pointes comme disent les danseurs de l’opéra qui y confirment donc la
présence de nombreux rats.
Bien ! Pistons un quidam ordinaire, perdu dans ce magma informe rampant dans les couloirs, que représente la foule du moment, donc pistons ce quidam pressé,
stressé, angoissé par l’obligation de recourir à ce mode de transport et contraint d’en partager la promiscuité avec les autres usagers avec, pour seule compagnie les effluves industrielles et
suantes émanées par ce ver géant plébéien.
Appelons notre quidam Jean puisqu’il en fait partie.
Jean arpente les souterrains bondés, timing serré, chrono en main en quête du métro annoncé.
Seulement voilà, il piétine, l’étau populeux ne relâche pas ses mâchoires et l’empêche de marcher à son rythme, le freine, faisant monter en lui des grognements
aphones comme autant de signes d’impuissance caractérisée.
Le souvenir fraîchement revigoré d’un éventuel instinct motard le pousse à déboîter sans crier gare, il rétrograde, passe en démultiplication course, ses jambes
moulinent avec frénésie, ça y est :
Il double !!!
Puis il se rabat, freine, déboîte à nouveau, réaccélère et se faufile ainsi sur le quai, espérant secrètement devenir le lauréat du bord du quai, celui qui peut
aspirer à rentrer le premier dans la rame mais aussi celui qui peut être poussé quand le métro arrive mais ça c’est un autre débat.
En tout cas, ce parcours est remarquable, soulignons la performance, c’est millimétré, carré, conséquence logique d’un entraînement intensif.
Et le pire, tout ceci est banal !!!
Néanmoins les motards sont plus civilisés.
Ce n’est pas fini.
Le week-end, Jean sort son vélo avec la panoplie complète du parfait cycliste professionnel pour aller retrouver ses potes autour d’un jaune au bar du coin. Mais
pour arriver à son troquet, il a grillé 6 feux rouges, remonté 6 files de voitures donc et organisé à lui tout seul un bouchon sur une route à sens unique.
Ça c’est pour le matin…
L’après-midi, une irrépressible envie de roller s’empare de lui et le promeut roi du slalom géant classe débutant sur trottoir, entre les piétons médusés, qui eux,
pour l’occasion apprennent l’esquive obligatoire.
Le lundi, la semaine reprend et là c’est la grève qui le force à emprunter sa voiture ; Jean est évidemment coincé dans un bouchon et ronge son frein comme
disait un prépuce célèbre, puis peste contre les motards qui passent…qui passent…qui passent…
Alors finalement non, n’a pas l’esprit motard qui veut !
© Cébéji