REVIEW - La 4e version de la Nox Orae à La Tour-de-Peiltz a été chargée d’un son rock et psychédélique avec une forte présence de musiciens suisses. L’affaire a tourné en catastrophe le deuxième soir avec l’annulation des têtes d’affiche: Junip (José Gonzalez) et Bombino.
Les veveysans de Forks ont ouvert les feux de la 4e édition du festival Nox Orae. Le jardin Roussy, au bord du lac Léman à La Tour-de-Peiltz, était le cadre parfait pour les mélodies psychédéliques du quatuor suisse qui commence à se faire un nom dans la scène rock locale après près d’un an d’existence (on se souviendra de leur passage récent au Psych Fest à Yverdon). Le groupe alterne entre des passages noise et atmosphériques avec une attitude garage qui les distingue de la vague psyché actuelle (disons Widdershins, par exemple). Il y a un côté plus punk chez eux, moins soucieux d’être virtuose, et un jeu des sonorités qui n’est pas sans rappeler Sonic Youth, par moments, autant qu’ils font référence à Dead Skeletons. Leur son sauvage bénéficie des jeux de voix féminine-masculine entre la guitariste Valérie Ciriolo et le batteur Joël Bovy (Girls in the Kitchen).
Après le passage énergique des locaux, ce sera le tour au trio fribourgeois d’Hubeskyla de déployer leur rock puissamment électrique et instrumental viré au stoner. Leurs riffs coupants rappellent l’école de Steve Albini, avec le martèlement déchainé de Don Caballero et la cadence psychotique de Shellac en tête, voire encore l’écrasement des Melvins. Suivent ensuite les argentins de Capsula, qui vont aller plutôt du côté d’un blues sale puiser dans les eaux, eux aussi, du psychédélisme. Leur musique est troublante, sensuelle et intense, avec des clins d’œil aux sons les plus trash des années ’60, à Royal Trux et aux Cramps.
Les Young Gods viendront alors confirmer pourquoi ils sont un des groupes les plus importants du pays. Toujours surprenants, les fribourgeois profiteront de jouer surtout leur premier album, qui a été réédité l’an dernier, et le deuxième, avec une intensité proche de la transe et des chansons qui semblent aussi uniques aujourd’hui que quand elles ont été faites. Celle-ci a été la seule date suisse de leur tournée actuelle et la dernière avant dieu-sait-quand car ils ont de plus en plus de peine à pouvoir se mettre d’accord à cause de leurs responsabilités familiales. Leur concert a été impressionnant et impeccable, non sans évoquer (avec leur propre style) l’hypnose cathartique des Swans.
Vers la fin du concert des Young Gods, la pluie commence à tomber et la plupart du public part sans attendre une des têtes d’affiche de la soirée. Avec leurs chansons pop et leurs nappes de claviers, les Crocodiles faisaient preuve du son le plus «jeune» de la soirée, d’autant plus que leurs guitares adoptaient des lignes de post punk en pleine syntonie avec les groupes américains actuels (qui a dit Brooklyn?). Les californiens ont su clôturer la soirée avec leurs morceaux dansants qui entrainèrent les quelques rares mais motivés spectateurs qui sont restés malgré l’averse. Celle-ci aurait pu être un avertissement pour ce qui s’est passé le lendemain dans ce festival en plein air, mais les menaces de la nature ne reçurent aucun écho.