Le meilleur troisième ligne centre de ce début de championnat est le pire de l’année dernière, et il joue à Brive. Le rugby était déjà un sport compliqué mais là on n’y comprend plus rien.
Après un passage mollasson à Toulon, une année en pantoufles à Lyon, suivie d’une saison en dents de Sisaro à Bordeaux-Bègles, le fidjien Koyamaibole a enfin décidé de croquer la vie à pleine dents, et pas seulement celle de ses adversaires. C’est donc à l’âge déjà respectable de 33 ans qu’il a compris qu’il a le potentiel pour être autre chose qu’un gigantesque cimetière à poulets-curry-coco et un rugbyman poussif. Mieux vaut tard que jamais ? « Pour un Fidjien, il est incroyablement en avance », nous souffle Guy Novès en jetant un regard ému sur le landau pour bébé-baleine qu’il avait fabriqué pour l’entrainement de Rupeni Caucaunibuca.
L’idole déjeune . Au mépris de toutes les coutumes de son pays, brisant la tradition millénaire des Hommes-Gros, trahissant l’esprit du Dieu-Poulet, Sisaro Koyamaibole a décidé de redevenir un joueur professionnel digne de ce nom. La sociologie nous dit que la peur de priver 42 frères et sœurs d’un revenu confortable dans le pays sous-développé que sont les îles Fidji est un remède puissant contre la flemme (doit-on déporter la famille de Matthieu Bastareaud ?). Alors « Sisa » s’est souvenu de ce jour de coupe du monde 2003 où il avait éparpillé le XV de France alors qu’il n’était encore qu’une jeune boule. Il s’est dit que Jérôme Thion ne s’était pas franchement amélioré depuis et qu’il pouvait le refaire. Son nouvel entraineur, Didier Casadei, a fait appel au grand Manitou pour le sortir de table. Sisaro a perdu une bonne quinzaine de kilos pendant l’été, ce qui, selon les estimations, correspond à environ 1 à 2 % de sa masse initiale.
Chicken Run. En 6 journées de championnat, il a davantage couru que toute sa famille sur 5 générations. On l’a vu tenir le ballon à deux mains devant lui, tête haute, faire une feinte de passe, prendre des intervalles, se relever des regroupements en moins d’une minute… inimaginable il y a un an. On l’aurait même aperçu faire un débordement de 40 mètres et servir impeccablement son ailier Voretamaya pour un essai imparable le weekend dernier contre le Stade Français. Jérôme Porical refuse de confirmer. Les charges dévastatrices de Sisaro sont pour beaucoup dans la bonne tenue du pack briviste. Il est l’arme de destruction massive dont le CAB a besoin et dont l’Union Bordeaux-Bègles avait besoin l’an dernier, pleurniche Raphaël Ibanez.
Pendant ce temps là, en Angleterre, le geste de Manu Tuilagi est un véritable coup de tonnerre dans le ciel tout bleu du sport professionnel. C’est avec un courage héroïque qu’il a refusé de continuer d’être complice d’un système totalement aseptisé, où les sportifs-objets sont n’ont le droit de s’exprimer que pour vendre du jambon de merde ou des produits dopants, où les hommes politiques sans scrupule récupèrent leurs exploits pour faire oublier leur bilan. En tant que citoyen du monde, Manu Tuilagi a pris ses responsabilités et a exprimé son profond désaccord envers la politique de la lâcheté menée par David Cameron sur la question syrienne. Ou alors, il a simplement confirmé qu’il est complètement débile, à vous de voir.
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