Je vis en ville depuis longtemps et je ne suis pas du genre à me plaindre du bruit environnant, même quand mon voisin décide de s’offrir un coq pour suppléer les pannes de son réveille-matin ou quand, profitant d’une rue bien dégagée (la mienne) et d’un superbe clair de lune à 3h du matin (hier soir), un joyeux motard teste le potentiel sonore d’un 0-100 km/h sur sa Ducati Streetfighter 1100 cm3 toute neuve !
Chers voisins !
J’ai pourtant l’impression que je me traine depuis toujours un super mauvais karma en matière de voisin. Etudiant par exemple, occupant frauduleusement une chambre universitaire dans un bâtiment exclusivement féminin, je devais frapper discrètement à la porte de la chambre voisine pour que la jeune femme cesse ses gémissements indécents et évite d’attirer l’attention du veilleur sur notre étage. Je lui rappelais au passage qu’elle contrevenait à la loi n°17 du Code Voisinophile selon laquelle un orgasme n’est pas destiné à être partagé avec tout son immeuble, sauf à organiser des soirées spécialement prévues à cet effet. Plus récemment, résident volontaire d’un quartier ancien du centre, je saluais l’énergie qu’étaient capables de déployer nos animateurs de proximité mandatés chaque nuit pour nous divertir à grands renforts de chants populaires (« ah le petit vin blanc », « Les lacs du Connemara » , qui comme chacun sait ne se chante que saoul, ou toute autre perle du répertoire de Patrick Sébastien) , de bouteilles de bière entrechoquées, de discours sur notre société déliquescente (« Hey ho !!! l’es pourri c’monde de merde ») et de joutes physiques dignes d’un Tyson-Holyfield, mais où Tyson serait remplacé par Gainsbourg et Holyfield par Philippe Léotard. Lorsque physiquement menacé par mon épouse guidé par une quête incessante du bien-être de ma famille, je passais du côté obscur de la force en allant rejoindre un quartier résidentiel, je pensais me trouver enfin définitivement à l’abri des débordements de joie et de bruits de bagnoles qui avaient jusqu’alors bercé mes nuits. Les 76 ans de moyenne d’âge de mes voisins les plus proches avaient achevé de me convaincre, me disant qu’au moins, je pourrai bénéficier du portage des repas, de réductions sur les monte-escalier et d’une surveillance de tous les instants de ma place de parking. Sauf que essayez de dormir dans une rue où les pompiers viennent 3 fois pas semaine pour des AVC, cols du fémur et autres animations pour seniors ! Ça plus le pot de chambre vidé 10 fois dans la nuit dans la cuvette des toilettes…
Comme des envies de « voisin-icide » !
Après ces déboires, je crois bien que je viens de tomber sur le maxi-best-of-supplément-frites du voisin casse-rouleaux, champion incontesté de la catégorie que même tu vis à côté de Jean Roucas tu es content ! Moi qui suis vraiment très ouvert aux autres malgré une apparence qui incite peu les gens à m’adresser la parole, je suis ravi de cette ambiance de bon voisinage nous permettant de partager nos intimités respectives. Enfin pour le moment, c’est surtout lui qui partage ! La première chose à savoir sur mon nouveau voisin c’est combien il cultive l’éclectisme dans un univers musical de chiottes. Vous pouvez donc indifféremment vous coltiner David Guetta à 6h45, Indochi(n)e à 23h15 et Gigi l’amoroso à une heure de la nuit où vous seriez prêt à danser nu devant une assemblée de pères jésuites pour 5 minutes de silence. Le second problème majeur, c’est qu’il a manifestement sa sono dans son salon, à la cave, mais qu’il aime plus que tout pouvoir l’entendre de n’importe quelle pièce de sa maison, répartie sur 3 niveaux. Et je vous confirme qu’on entend nickel du premier étage…depuis chez moi. Mais comme je suis un garçon plutôt partageur, je participe donc également à son éducation musicale en alternant Carmen et Henri Dès le dimanche matin à 7h quand je sais qu’il est rentré de boite il y a quelques heures seulement. Au rayon « partage », j’ai aussi la chance qu’il soit un adepte de MSN et Skype, ce qui me permet à la fois, d’être informé depuis mon lit chaque fois qu’il reçoit un nouveau message et de tout savoir sur son psoriasis au pubis, son menu du soir, le prix de sa nouvelle bagnole, sa dernière coloscopie… Le seul truc chiant c’est que lui a Canal+ et moi pas, ce qui fait que pour le film du premier samedi du mois, j’ai vraiment bien le son, mais pas l’image !
Rien que ça, je sens bien que ça pourrait me conduire devant la Cour d’assises pour séquestration, torture, homicide et actes de barbarie sur un voisin, ou pire, sur le plateau de Julien Courbet. Et comme disait Tonton David, « Chacun sa route, chacun son chemin. Fracasse le crâne à ton voisin ! »
Gabriel de Calomnie
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