Classique et le Mâle. Elle et lui, la bourgeoise encorsetée et le marin d’eau douce, qu’on a vu plus souvent sur terre qu’en mer. Ils nous avaient laissé en 2009, dans un appartement vide après un ébat amoureux. L’un et l’autre respiraient les dernières traces de parfum dans un oreiller une fois que l’autre avait pris la fuite.
Nous retrouvons « Le Mâle » et « Classique » 5 ans plus tard.
L’affiche du film donne déjà un avant-gout du travail réalisé: on retrouve les deux amants, on retrouve leur désir irrépressible dans ce regard qu’ils partagent, cette tension qui est devenue la signature de ces deux parfums. Le défi de la marque saute alors aux yeux : comment conserver l’identité de la saga publicitaire, entamée il y a 15 ans, tout en proposant quelque chose de différent ?
Si les publicités Le Mâle et Classique étaient parmi les audacieuses à leurs débuts, en jouant sur les codes du désir, de l’ambivalence sexuelle, et en associant air d’opéra et préliminaires torrides, on voit mal aujourd’hui quels seraient les tabous à briser ? Une fois leur ébat accomplit, que reste-il pour le Mâle et Classique ?
Le film : #JPGonthedocks
Pour ce film publicitaire 2013, les équipes Jean-Paul Gaultier se sont laissées le temps: 1 an de projet et près de 20 scénarii étudiés plus tard, on découvre alors la création, signée Ogilvy.
Toujours sur l’air de la Casta Diva de Bellini, Lui, l’australien Jarod Scott, est en bateau, il s’éveille en approchant du port d’une ville au petit matin (en réalité, on ne restera pas longtemps sur ces « docks » éponymes). Elle, la hollandaise Rianne Ten Haken, altière comme à son habitude, se languit dans un immense appartement haussmannien.
Et puis le film s’emballe : un resserrage de corset en déclencheur, et voilà le marin qui s’élance, et son cargo avec lui s’enfonce dans la ville, brisant au passage le docks, les rues et les immeubles. La course folle s’arrête au balcon de la belle, pour des retrouvailles torrides.
Entre hommage au mythe de la saga et prises de liberté
Quid de la provoc’ sexy made in Gaultier ? Pas tant que ça si on regarde le film de plus près.
Tout d’abord le film témoigne d’une différence esthétique de taille avec ses prédécesseurs, dans l’utilisation exubérante qu’il fait de la 3D ! Une ville imaginaire intégralement virtuelle, on pense à Marseille, ou à Istanbul… (on m’apprendra alors que les prises de vues ont eu lieu à Barcelone !) est ainsi réduite en cendres en un serrage de corset… voilà une nouvelle façon de traduire un désir tonitruant.
Entre hommage au mythe et prises de liberté, le film se permet une note d’humour avec un jeu de mots que je vous laisse découvrir (et qui ne sera pas traduisible à l’international, petit clin d’œil french touch !).
Enfin, après avoir montré le désir sous toutes ses coutures, à une époque où la création publicitaire ne se pose plus vraiment de frontières en matière de sexe explicite, voici le marin et la bourgeoise qui sont dans le symbolique, dans l’imaginaire.
Ici, on préfère nous montrer l’excitation qui monte, à grands coups de rues détruites et d’immeubles effondrés (et d’un gros cargo, on y verra ce qu’on voudra…) le moment d’avant en somme.
Jean-Paul Gaultier soigne donc son couple d’enfants terribles, qui malgré 15 ans de couples, savent garder leur désir intact !