Roman - 450 pages
Editions Flammarion - août 2012
Editions poche J'ai Lu - mai 2013
Paul Steiner doit apprendre à vivre sans ses enfants depuis que sa femme Sarah l'a quitté. Déboussolé, mal dans sa peau, il doit de plus venir en aide à ses parents car sa mère doit être hospitalisée. Il doit quitter sa Bretagne, la mer, et les embruns pour la banlieue parisienne, pour son quartier d'enfance, pour la vie étriquée de ses parents renfermés, et surtout retrouver son père brutal et mutique, convaincu par le FN, qui lui cache toujours un lourd secret familial. En ce lieu de la périphérie, ce lieu commun autrefois si familier, il va retrouver nombre de ses amis d'enfance, et même Sophie, dont il était très amoureux. Autant de personnes dont les parcours n'ont pas échappé à la médiocrité, au renoncement, à la monotonie, et au triste réalisme des classes populaires.A la lecture de ces Lisières, je suis passée par plusieurs états d'esprit. La plume d'Olivier Adam est égale à elle-même, mélancolique et humaine, fluide. Plus qu'avant il introduit beaucoup d'éléments d'actualité, d'aspects pratiques et réalistes contemporains, sans pour autant qu'on puisse assimiler ce roman à une étude sociologique sur les banlieues d'aujourd'hui. "Les Lisières" oui car le personnage principal - fortement comparable à l'auteur lui-même - se situe souvent sur les bords. Sur les bords de la dépression, les bords de la violence aveugle, les bords de la société, toujours en décalage par rapport à sa famille, à ses anciens amis, à ses relations. Mais donner un titre pareil pour évoquer un milieu marginal bien que majoritaire, cela ne m'a pas convaincue. Comme justement il s'agit là de couches populaires majoritaires, c'est difficile de les surnommer des lisières puisqu'elles constituent la chair principal de ce pays. Mais bref. L'écriture agréable donc, troublante par ses aspects autobiographiques intransigeants, et souvent prolixe. J'ai pensé à certains moments qu'Olivier Adam était trop bavard et donnait un aspect trop fade à son récit tourné vers des souvenirs plus ou moins intéressants. Son personnage m'est apparu comme souvent irritable, hautain, méprisant tous les écrivains de sa génération et n'ayant de compliments que pour Annie Ernaux.
Extrait :"- Non, ai-je répondu. J'ai toujours aimé le vent. Et puis je n'ai jamais froid. Quand tu pèses cent kilos, mon pote, t'as plus jamais froid. C'est comme si t'avais de la graisse de phoque auto-intégrée. En revanche, voir la mer comme ça toute la journée, ça m'absorbe tellement quelquefois que j'ai l'impression d'être complètement vidé. Comme anesthésié. Fourré d'ouate ou de coton. Parfois je ne demande pas mieux, je t'assure. Surtout en ce moment. Mais des fois ça m'emmène tellement loin à l'intérieur que c'est juste impossible de penser. De travailler. D'écrire. Je connais un mec qui vit dans la vieille ville. Son appartement, tu verrais ça, une vue imprenable sur le grand large et la côte qui se déroule à l'infini, le chapelet d'îles au large. Lui, il fait des films. Eh bien tu ne vas pas me croire, ses scénarios, il les écrit au McDo. Chez lui, il ne peut pas. La vue le déconcentre trop.
- Ca, c'est bien des problèmes de riches et d'intellos à la con, a lancé un des ambulanciers, et j'ai acquiescé en vidant mon deuxième whisky."Par la suite, il est vrai que le dernier tiers du récit, davantage tourné vers un quotidien fait d'actions et de rapports à sa famille et sa nouvelle conquête, a été plus convaincant, plus nerveux, plus savoureux. Et puis il y a cette dernière fuite vers le Japon avec de grands espoirs de vie nouvelle et de lutte contre la Maladie qui le ronge. Un roman qui s'achève sur une note apaisée, réconciliée, lointaine.
Interview d'Olivier Adam - La Grande Librairie
L'avis de Juliette - Le bazar de Juliette