Entre Creuse du Nord et Berry du sud, à l’approche d’un hameau mal identifié, un chapelet de balles noires fait signe aux touristes en route pour la contemplation des fastueux paysages de la vallée de la Creuse. Ces balles, témoignages encombrants de l’agriculture contemporaine, enveloppent du foin qui, une fois séché un peu moins longtemps au soleil que celui récolté par les méthodes plus traditionnelles, est compacté à l’abri de l’air et de la lumière. Ce fourrage longue-conservation sera consommé au long de l’hiver par les limousines à robe rousse et chaleureuse qui paissent à proximité. C’est de l’enrubanné d’herbe disent les agronomes soucieux de précision et de mots appropriés. Souvent, le foin de ces balles est additionné d’acide citrique pour maintenir « de façon naturelle l’odeur et la couleur du foin », d’acide propionique « chimiquement tamponné, doux pour l’équipement et l’environnement » expliquent les fabricants de produits phytosanitaires. Le tout est « aussi naturel que de l’eau de pluie ». Les enseignes vendent-elles de l’eau de pluie prêtes à l’emploi ou se contentent-elles de faire du business avec du vent ?
Sans doute un grapheur (ou un graffiteur) qui se tamponne complètement des arguties technico-commerciales des lobbys de l’agriculture intensive s’est mis en tête de donner son avis sur cette décoration inattendue du paysage. Avec méthode, application et détermination, celui qui s’est ému de la présence de cet amas plastifié en pleine nature a été jusqu’au bout du rouleau. De grandes lettres bâton disent son émoi capital. LE PLASTIQUE C EST FANTASTIQUE. Façon de dire qu'il y en a partout.
Un message dans le paysage. Cliquer pour agrandir l'image.
Ces Légo agricoles donnent lieu à un message que chacun peut entendre à sa façon. L’artiste, plus plasticien que minimaliste, a voulu montrer qu’il ne fait pas dans la dentelle. Il y a cependant fort à parier qu'en voulant donner la parole aux balles de foin il s’insurge contre cette pratique enveloppante. Tout promeneur sait que ces couvertures plastifiées s’amoncellent à tout bout de champ au nom de la capacité vantée par les fournisseurs à être photodégradables. Bien joué, le message ne peut être évité. Il devient un slogan insolent. Sous ses airs de dérision, il donne à réfléchir. Il faut aller se balader en Creuse. La citoyenneté y est tonique et réactive.