Oui, une grande colère contre ce mur, celui d'un courrier, de paperasses d'une société de loi, de règles faites pour les riches et bien-portants. Une lettre insultante pour moi, pour ma fille, dans l'irrespect de la personne de la part de cet organisme, je suis révoltée.
Alors, doucement après une nuit blanche, une autre, je prends mon thé tiède, là devant moi, je crosie mes jambes, je le love dans le canapé, chaud, complice de mon cocon de douceur. Je prends cet album sur moi, des photos, d'une époque où l'on en prenais peu, si possible vivantes et belles, de son enfance, de notre vie, et que l'on collait ici avec un petit mot, une date, une blague. Toute petite déjà elle aimait les couleurs, sur ses dessins, sur ses murs, sur son sac et dans tous ses vêtements. Jeune fille, jamais elle n'avait été dans une tribu, sauf en meneuse, heureuse, volontaire et battante, mais surtout en rouge, en rose aussi, en orange souvent.
Une amie de l'époque l'avait appelée la princesse soleil, car elle rayonnait, car elle orchestrait les autres, et tous, ils suivaient. Elle croquait la vie, photos après photos, à la mer l'été, les mâles s'usaient les yeux sur sa silhouette, les femmes tiraient leurs hommes, jalouses de cette beauté naturelle, non excessive, mais ce charme flamboyant, cette poitrine fière et puis son regard éclatant. Plusieurs fois, des scouts d'agence de modèles de tous pays, l'avaient abordé pour lui proposer un essai. Son astuce consistait à mentir sur sa taille, pour être trop petite, pour rester libre. Le soleil s'habillait de rouge, la fête continuait, nos barbecues, sa soeur, ses frères nés de mon second mariage. De la vie !
Des sourires, des petits clins d'oeils, des poses, des cheveux longs, des souvenirs à la pelle, des larmes, ma tasse pour une pause. Je suis là, refroidie par ce temps, par cette vie, cette injustice qui court au-devant de nous, fuyant les diagnostics, contournant les signes positifs pour mieux attaquer. Je suis assomé par tout cela. Je tourne les pages, d'aures photos, les réunions de famille, Noël, de superbes feux de cheminée, des cadeaux, des rires et des moments intenses tous ensemble. Mes parents, des amis, ses petits copains, tout le monde plus grand.
Elle semble si proche. Toujours en couleurs, été comme hiver, elle en riait si souvent, même pour le travail.Toujours un soleil, une femme déjà si élégante, toujours avec cette grâce qui suivait ses pas.
Hier, je l'ai vu, après trois jours où elle m'avait dit de rester chez moi, de lui parler pas trop longtemps au téléphone, recluse dans sa chambre d'hôpital. Oui, cette merde récidive, lui dévore les seins, des boules, des soins, des traitements, des effets secondaires impossibles à gérer sans larmes, et moi, juste mes bras, car mes mots sont partis, évaporés, épuisés depuis des mois. La douleur, la mienne, la sienne en premier lieu, notre famille qui reste silencieuse, bouche bée car ne trouvant plus les paroles réconfortantes, ne pouvant donner de solutions. Comme moi, je ne sais plus que faire, et il est supportable pour une mère de voir sa fille, toute personne d'ailleurs, mais plus encore sa propre fille dans une telle douleur. Injuste car rien ne semble détourner ce mal, sournois.
Un profond sentiment d'impuissance, j'en ai parlé, des praticiens sont là pour écouter, conseiller, mais j'ai aussi hurlé, explosé, pleuré devant ce fait si bloquant.
Hier, je lui ai porté un sac, une touche de couleur pour elle, pour ce qu'elle est aujourd'hui, en perte de sa féminité, doublement blessée, dans son corps et dans son intimité de femme. Son esprit est fort, heureusement d'ailleurs. Alors voyant ce paquet, sans force, elle a arraché doucement le papier, et la couleur est venue, comme de rayons de soleil, vers elle, de la transparence orange. Elle a souri, j'ai pleuré.
Comme maintenant en pensant encore à elle. Mais je serai là, encore et encore pour me batter à ses côtés, pour lui proposer mon épaule, même en silence, même en entendant ses forces partir, son corps dormir, ses cris suivrent ses douleurs. Je serai là, car cet amour est la force de vie envers l'autre, un message discret, immatériel, un début de médicament.
Pour elle.
Mes amies, n'oubliez jamais vos amies, vos proches, vos femmes qui ont besoin de votre épaule pour se soigner. Restez présentes !
Nylonement