J’en suis à rédiger un commentaire sur La Constellation du Lynx, ce fameux roman sur la Crise d’Octobre. Je dis « fameux » pour l’appréhension que j’ai éprouvée avant de le lire.
Pour situer l’Histoire dans l’histoire, je résumerai la Crise d’Octobre dans ce style télégraphique. Deux enlèvements : le premier, le 5 octobre, l'attaché commercial du Royaume-Uni, James Richard Cross, par une cellule armée du Front de libération du Québec (FLQ), le deuxième, le 10 octobre, le ministre provincial du travail, Pierre Laporte par une autre cellule du FLQ. Le 15 octobre, la riposte gouvernementale, mise en place de la Loi des mesures de guerre canadiennes. Le 17 octobre, découverte du corps de Pierre Laporte à Saint-Hubert dans le coffre d’une voiture, le 3 décembre, délivrance de James Richard Cross, le 28 décembre, arrestation des meurtriers de Pierre Laporte.
Un journaliste, Samuel Nihilo, s’est mis en tête d’extraire de la vérité entendue, ses faussetés, qui ont traversé quatre décennies : de 1960 à 2000. On se doute bien que le journaliste est l’alter ego d’Hamelin.
Pour se donner la liberté de manier la réalité à sa guise et se tenir loin de toute revendication postérieure à la publication, l’auteur a baptisé la majorité des personnes d’un autre nom, assez souvent farfelu, Chevalier Branlequeue par exemple, tandis que certaines personnes, René Lévesque pour le nommer, ont conservé leur nom. Option qui en fait déjà une lecture exigeante. Mon esprit continuellement en mouvement entre l’histoire de Hamelin et les faits médiatisés, avec les vrais noms, a déjoué ma tentative de m'abandonner. Je ne suis pas arrivée à ce lâcher prise : « J’ai totalement lâché prise sur les faits et ai abordé ma lecture comme un roman, point ». Je n’ai pas su y arriver, la raison en est fort simple, si La Constellation du lynx avait été de la pure fiction, je l’aurais abandonnée avant la fin. À mes yeux, le roman prend sa valeur parce qu’il est basé sur l’actualité de cette période pénible. Avec cet ingrédient essentiel, le recul, Hamelin pointe les dérives, souligne la manipulation des masses par le gouvernement, faisant sortir les couleuvres que l’on nous a fait avalées. Cette minutieuse et consciencieuse tentative mérite la lecture.
S’il n’y avait de couché sous ses lignes un pan épais de notre histoire, les va-et-vient incessants dans le temps et les événements m’auraient eue à l’usure. J’aurais aimé me nourrir de la motivation du journaliste à soulever la nappe mensongère pour y étaler la vérité, une vérité. Je me serais attendue de Samuel Nihilo qu’il maîtrise un peu plus son enquête. Tandis que la portée lourde des événements pousse le personnage dans le fond du décor. L’histoire prend le pas sur tous les personnages, surtout, le personnage principal. C’est un essai déguisé en roman et il a été démasqué. Par exemple, je n’ai vu aucun critique relever l’histoire d’amour du personnage principal avec Marie-Québec.
Je passe aux aveux. Une partie de ma difficulté de lecture vient d'une coriace résistance à ces événements que je préfèrerais oublier. J’ai à la limite honte de cette partie de fer du gouvernement et du FLQ. Bien entendu, la tendance va à tirer les flèches sur le plus fort, qui abuse de son autorité, mais les cellules du FLQ ne m’ont pas sourie non plus.
J’ai trouvé le style d’Hamelin pointilleux, ingénieux avec une signature bien étampé. Ce genre de style qui loin de la simplicité, riche, parsemé d’images savantes et extravagantes. Combien de fois ai-je lu et relu des passages, par admiration, parce qu’il m’arrive, quand je ne comprends pas, d’admirer.