En novembre prochain, le satellite GAIA va s’envoler pour cartographier le ciel avec un œil nouveau. Certainement précurseur dans sa façon de voir, il ne l’est cependant pas dans sa démarche…
Catalogues d’étoiles
Depuis plus de 2000 ans, l’homme tente de cartographier le ciel, de classer les étoiles et les objets qu’il découvre. Cela a donné lieu à de nombreux catalogues produits au fil du temps. Certains sont très prisés des astronomes amateurs comme le Nouveau Catalogue Général, NGC pour New General Catalogue, ou encore le Catalogue Messier, du nom de son auteur. Ce dernier a décidé de recenser les objets dont il ne connaissait pas la nature, mais qui étaient fixes par rapport aux étoiles, comme les nébuleuses ou encore les amas d’étoiles et les galaxies. Cela, afin d’aider les chercheurs de comètes à ne pas se tromper, car à l’époque, il s’est lui même trompé en prenant la nébuleuse du Crabe pour la comète de Halley.
Ces recueils de données sur les objets célestes contiennent donc des informations très utiles. On y trouve, par exemple, les cartes d’identité des étoiles, leur position, mouvement propre, rayon, masse, vitesse radiale, spectre et j’en passe ! Un des tout premier catalogue d’étoiles a été fait par Hipparque vers le deuxième siècle avant Jésus Christ.
Hipparcos
Près de deux millénaires plus tard, c’est un satellite portant son nom qui s’est envolé, le 8 août 1989, de notre planète pour cartographier le ciel. Le satellite Hipparcos, pour HIgh Precision PARallax COllecting Satellite, a permis de localiser près de 120 000 étoiles, situées à moins de 500 années-lumière, avec une précision de 1 milli-arcseconde. Pour rappel, une seconde d’arc est une unité de mesure pour les angles très petits. Concrètement, 1 seconde d’arc équivaut à 1/3600°, autant dire que c’est bien plus précis que le premier catalogue échafaudé à l’œil nu.
En plus d’être précis, Hipparcos voyait également très bien et pouvait détecter des étoiles jusqu’à la magnitude apparente de 12,4. Globalement, la magnitude apparente est une mesure qui permet de caractériser la luminosité d’une étoile dans le ciel, vu depuis la Terre. C’est une échelle logarithmique inverse, donc plus le chiffre est petit, plus l’étoile est lumineuse. Par exemple, à l’oeil nu, vous pouvez apercevoir des objets célestes avec une magnitude d’environ +6. Pour comparaison, la pleine Lune aura une magnitude apparente de -12,7. On comprend alors que le satellite Hipparcos avait une très bonne vue, grâce à son télescope de 29 cm de diamètre. Il a ainsi permis d’établir trois catalogues d’étoiles, nommés catalogue Hipparcos, Tycho et Tycho 2. Cependant, vous savez comment sont les astronomes, ils en veulent toujours plus…
GAIA
C’est pourquoi l’Agence Spatiale Européenne a décidé de lancer la mission GAIA avec son satellite du même nom. La mission de ce satellite est d’établir une cartographie en 3D d’une partie de notre galaxie, la Voie Lactée, en localisant plus d’un milliard d’objets ! On est bien loin des 120 000 étoiles étudiées par Hipparcos, mais d’autre part, un milliard d’étoiles cela représente environ 1% du contenu de la galaxie. Tout est une question de point de vue.
Le satellite Gaia devrait donc découvrir et répertorier des milliers d’objets inconnus. Des objets comme des étoiles naines brunes, mais aussi des naines blanches, des planètes naines, des supernovæ, des astéroïdes du système solaire, et également des exoplanètes ! Un travail de taille, car pour chacun de ces objets, il devra mesurer très précisément leur position, leur mouvement et aussi leur distance, c’est une mission astrométrique. Nous y reviendrons.
Le départ du satellite est prévu le 20 novembre 2013 à bord d’une fusée Soyouz, depuis Kourou en Guyane. Trois mois après avoir quitté le sol terrien, Gaia va se positionner au point de Lagrange dit L2. Ce point est situé à 1,5 millions de Km de la Terre dans la direction opposée au Soleil.
Points de Lagrange
Globalement, et sans rentrer dans les calculs, les points de Lagrange sont cinq positions spatiales dans un système à deux corps. Prenons par exemple, un système avec une étoile et une planète comme le Soleil et la Terre. Si on place un objet, de masse négligeable, à l’un de ces points de Lagrange, celui-ci y restera pour toujours tant qu’il n’y a pas de perturbations extérieures, et accompagnera la rotation de ces deux corps. Cela est possible car à ces points, les attractions gravitationnelles des deux corps précédemment cités se compensent et forment un équilibre.
Par exemple, toujours dans ce système Soleil-Terre, le point L1 accueille la sonde SOHO qui étudie le Soleil. Le point L2, lui, est particulièrement intéressant pour le satellite Gaia, car il va lui permettre d’observer le ciel en ayant le dos tourné au Soleil dans un endroit où il y a peu de perturbation. C’est à ce point que se trouve également les satellites Hershcel, Planck, WMAP, mais aussi le futur JWST (James Webb Space Telescope).
Une fois positionné à cet endroit, courant janvier 2014, Gaia pourra procéder à ses premières mesures astrométriques, car c’est avant tout sa mission, comme je vous le disais précédemment.
Astrométrie
Le but de l’astrométrie est de localiser et d’évaluer la position des étoiles, et des objets célestes, mais aussi leur distance et leur mouvement de manière très précise. Ainsi, grâce à ses trois instruments embarqués, un instrument astrométrique pour la position des étoiles, un photomètre pour la luminosité, et un spectrographe pour les vitesses radiales, le satellite Gaia s’apprête à détrôner de loin son prédécesseur avec une précision 100 fois plus grande !
En effet, pour rappel, le satellite Hipparcos a localisé 120 000 étoiles avec une précision de 1 milli-arcseconde, avec des objets allant jusqu’à magnitude 12,4. Gaia, lui, va observer 1,3 milliard d’objets. Pour les objets les plus brillants à magnitude 12, il aura une précision de 7 micro-arcsecondes. Et pour les moins brillants, il sera capable de les localiser à une magnitude allant jusqu’à 20 avec une précision de l’ordre de 300 micro-arcsecondes. Pour comparaison, 24 micro-arcsecondes correspond à l’épaisseur d’un cheveu vu à 1000 Km…
Pétaoctet
Ce satellite de deux tonnes, fabriqué par Astrium, est prévu pour une durée de 5 ans, avec une extension possible de 1 an. Dès les premières mesures, ce sont environ 120 Go de données qui seront envoyées chaque jour par le satellite vers la Terre. Un volume de données monumental qui sera réparti vers 6 centres de calculs européens. Pour traiter ces données, ce ne sont pas moins de 6000 cœurs de calculs qui seront capables de fournir 6000 milliards d’opérations par seconde pendant 7 ans. Le volume de l’ensemble des données traitées après toutes ces années est estimé à 1 Pétaoctet, soit 1000 Téraoctet. Mais c’est le prix à payer pour voir la carte la plus précise jamais réalisée référençant plus d’un milliard d’objets !
http://www.youtube.com/watch?v=NkvX_xuZKII
Pour aller plus loin
Nul doute que cette mission Gaia va révolutionner les connaissances sur notre galaxie, la Voie Lactée. Si vous n’êtes pas encore convaincus, ou à l’inverse que vous souhaitez en savoir plus, je ne peux que vous recommander les pages consacrées à cette mission sur le site du CNES et de l’ESA. Mais aussi le fabuleux blog d’Idariane (Rêve d’espace), responsable qualité de l’assemblage du satellite Gaia et des phases de tests, au sein d’Astrium, à Toulouse. Vous pourrez y suivre l’avancement de la préparation du satellite jusqu’à son lancement, le tout depuis l’intérieur !
CNEStalks
D’ailleurs, je retrouverai Idariane ce jeudi à 20H, au cours du prochain CNEStalk organisé par le CNES en direct sur Google+. Globalement, les CNEStalks, ou encore appelés Hangouts, sont des conversations vidéos organisées sur Google+, durant lesquelles vous pouvez interagir. Vous pouvez suivre sa retransmission en direct sur la page Youtube du CNES ou encore en suivant leur compte Google+. Cette fois, le thème concerne justement la mission GAIA et a pour titre : « Arpenter la galaxie avec Gaia ». Nous serons en liaison avec Olivier La Marle, astrophysicien au CNES.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les envoyer ou à les poser en direct sur Twitter durant le CNEStalk avec le hashtag … #CNEStalks. Pour ceux qui n’ont pas de compte Twitter, je vous retransmets le flux correspondant à cet évènement juste en dessous et j’y joindrai la vidéo dès que possible. À jeudi
.Tweets concernant « #CNEStalks »