Trans Atlas Marathon: une première réussie!

Publié le 18 septembre 2013 par Sylvainbazin
Me voilà donc rentré d'une semaine à courir dans les montagnes du Maroc, sur une première édition du Trans Atlas Marathon qui m'a vraiment plu. J'ai juste pris froid le dernier soir sur la place Jema à Marrakech et du coup je suis H.S. au moment d'écrire ces lignes, mais ma bonne humeur est encore là. Une bonne humeur née de cette belle semaine, de ces jours où l'on se sent vraiment porté par le paysage, le groupe d'amis qui se déplace avec vous et où les soucis paraissent loin.
Il faut dire que le petit groupe de "pionniers" de cette première du TAM était particulièrement sympathique (pour Bruno Poirier: c'est le bon terme! ;-)) et que tout s'est vraiment bien passé. Nous étions très soudés et proches aussi des organisateurs, mes amis Mohamad et Lahcen Ahansal, relayé par la "Zagora family" et d'autres membres venus des montagnes du Haut-Atlas que nous avons traversé.
 225 kilomètres et 12000 mètres tout de même, la semaine n'a pas été de tout repos non plus! Ma condition physique, si elle n'était pas "ultra-compétitive" était tout de même bonne, et je ne me souviens pas avoir si peu souffert, finalement, sur une épreuve de ce type, sans que je sois aller bien moins vite non plus que ces derniers temps. Plutôt bon signe pour la suite donc!
Lorsque nous atteignons le village du Zaout Ahansal, perché au creux de la montagne berbère et berceau de la famille des deux plus grands coureurs du désert, le décor est posé: c'est à travers ces massifs ocres et gris, entre oueds, forêts clairsemées aux arbres sculptés par la pente et le soleil et couleurs caractéristiques des roches que nous allons courir et marcher. Les chemins seront certainement pentus et souvent techniques, les villages typiques et l'ambiance amicale. Nous restons une journée pour nous acclimater, procéder aux vérifications techniques (sacs, dossards... c'est assez vite fait), faire connaissance. Nous attendons aussi que les derniers coureurs marocains arrivent. En effet, le peloton sera composé d'un petit groupe d'européens, cinq français, mon ami Gilles Barthalay, Denis et Alain, venus de Charentes et amis également de Mohamad, deux jeunes allemands de très bon niveau, Thomas et Sebastian, venus de Bavière, et Michael, un néo-zélandais installé depuis des années en Finlande, et venu d'Helsinki sans oublier l'espagnol Jorge, qui aide à l'organisation. En ajoutant les coureurs marocains, venus surtout du sud et des montagnes et affûtés comme des rasoirs, l'équipe d'organisation, composée essentiellement des amis de Zagora, et nos deux infirmières Agnès et Véronique, véritables fées qui s'occuperont des muscles fatiguées et des ampoules à percer, venues quant à elles de Moulin (c'est dans l'Allier, il parait... ;-)), nous voilà au complet et c'est une très joyeuse équipe qui s'apprête à traverser le Haut-Atlas marocain. J'effectue une jolie promenade sous la pluie en compagnie de Véronique pour découvrir le site et me remettre un peu en jambe après un voyage tout de même fatiguant.

Notre petit groupe d'européens... Photos Thomas Bohne (www.thomasbohne.com)
Première étape: 53 kilomètres pour bien entamer le chemin...et les jambes!
Le lendemain matin, nous sommes rangés derrière la belle banderole de départ de ce TAM, sous le son des musiciens traditionnels et du 1492 de Vangelis. Un départ au bord du torrent, et notre petite troupe s'élance pour tout d'abord un petit tour de village avant de s'échapper vers la montagne.
Nous grimpons vite dans le lit d'une oued à sec. Le rythme des leaders est très élevé et je décide d'aller tranquillement, à mon rythme. Je me retrouve vite en compagnie d'Alain, de Denis et de Michael. Nous allons de cailloux en rochers. La pente n'est pas très raide. Le plus difficile est pour l'instant de suivre le balisage, présent mais un peu discret. Nous le perdons au détour d'un village et sommes quitte pour aborder le premier col par un chemin détourné, ce qui nous fait sans doute perdre quelques minutes. Mais peu importe finalement, le niveau de chacun étant assez espacé pour que nous ne nous battions pas pour les places... Je vais assez tranquillement, attendant un peu mes compagnons de route.
Un peu plus loin, comme il nous reste une bonne quarantaine de kilomètres et que je me sens vraiment bien, je pars seul et le resterai jusqu'au bout. Mes amis marocains et allemands sont trop loin devant pour que j'imagine les rattraper.
Le parcours reste très technique à travers cols et cailloux jusqu'au ravitaillement du 36e kilomètres. De là, nous rejoignons pour 15 kilomètres une large piste, qui nous offre une autre découverte de l'Atlas, celle des vallées et des villages. Il fait également plus chaud. Je suis heureux d'être en mesure de trottiner tout le long de cette partie plus roulante mais qui doit paraître longue en marchant. Je me ménage cependant quelques pauses marchées pour me ravitailler.
Les sept derniers kilomètres nous offrent une belle traversée de jardins et de vergers, à travers un bel oasis de montagne, ruban vert dans la montagne ocre. Je ne peux résister à l'envie de commettre un petit larcin, à savoir de cueillir une pomme qui surplombe tout juste mon passage; je m'en régale pour recueillir l'énergie de parcourir les ultimes kilomètres.
Je termine cette belle étape au bout de 9h20 d'effort. Le vainqueur, Ali, a mis 5h30, un temps vraiment impressionnant. Mais je suis bien content car j'ai très peu souffert et j'ai couru presque tout le temps, sauf dans les fortes montées.
Nous nous retrouvons tous pour une belle soirée et une récupération confortable dans un gîte bien équipé. De ce point de vue, je suis même surpris par la qualité des hébergements de la montagne marocaine.

Deuxième étape: un petit tout à l'école et un long transfert...
Hier soir, Mohamad et son équipe ont du prendre la décision d'annuler l'étape; un passage très haut, à 3400 mètres d'altitude, était prévu et une alerte météo nous interdit d'y passer. L'oued que nous devions traverser est en crue, les pentes du M'Goun que nous devions frôler sont en neige. Pas le choix, tout peut aller vite en montagne et notamment sur ces pentes terreuses.
Mais cette annulation a de bons côtés: elle nous permet de nous rendre tous vers une école voisine, qui bénéficie d'un généreux chèque d'aide au développement offert par le Trans Atlas Marathon dans le cadre de son action solidaire. Nous sommes reçu par la directrice de l'école, une allemande installée et mariée au Maroc depuis huit ans, et par un de ses professeurs. Les enfants sont là aussi. Cette école, entourée par un beau jardin médicinal, enseigne selon les principes de la pédagogie Montessori. Les enfants ont l'air très épanouis en tous cas.
La suite de la journée se résume par un long transfert en mini-bus. L'état des routes, coupées par l'orage, nous oblige à un long détour et notre véhicule de location se traîne dans les pentes. Nous irions presque aussi vite à pied. Cependant, malgré la lenteur et l'aspect un peu pénible de ce transfert, nous restons de très bonne humeur: le groupe est vraiment bon, l'ambiance au beau fixe, le soleil revenu et les paysages toujours splendides.
Parvenus enfin, après d'ultimes kilomètres qui font pousser de hauts cris à Françoise, notre concurrente venue de la Réunion, et qui sont c'est vrai plutôt périlleux au bord d'un bon précipice, au village d'arrivée de cette seconde étape, un très beau cérémonial est mis en place pour nous accueillir. Boissons, danseurs habillés de blanc, rien ne manque. Les journalistes marocains de RM2 et Al Jazeera, venus du nord du pays, sont aussi dépaysés que nous.
Le dîner est le bienvenu pour nous remettre de nos émotions routières et pour penser à l'étape du lendemain. Le tout dans une ambiance plus que détendues où les rires et les conversations fusent!
Troisième étape: l'ocre de l'Atlas.
Nous sommes tout de même bien contents de repartir à pied au soleil levant. La lumière envahie doucement les pentes et révèle les couleurs dorées et ocres des pentes qui nous attendent aujourd'hui. Le décor est vraiment de toutes beautés.
Après quelques kilomètres sur une piste roulante, parfaite pour dérouler un peu nos foulées endormies, et nous retrouvons des pentes plus sérieuses et un terrain assez technique. Au détour d'un col, où je cherche un peu mon chemin, Denis me rejoint. Nous resteront ensemble tout au long de l'étape. A un bon petit train.
Les ravitaillements en eau nous procure la joie de retrouver les têtes connues des membres du staff et le loisir de discuter un peu avant de repartir dans la montagne. Une très belle montagne que celle qui accueille nos pas aujourd'hui: des couleurs ocres, des dégradés qui se détachent sur un ciel bleu, avant de déboucher sur un beau canyon, berceau d'un oasis aux verts tendres où circule une rivière paisible.
Les derniers kilomètres sont un peu longs pour mon compagnon de route. Nous rencontrons un serpentin qui se glisse entre nos foulées et font prendre quelques pulsations au rythme cardiaque de Denis. Mais rien de grave et c'est en bonne forme que nous grimpons, dans le village d'arrivée, la dernière pente du jour, au bout de 45 kilomètres et 7h 20 d'efforts. Je n'ai pas forcé et me sens bien comme ça.
Là encore, le gîte est agréable et le site vraiment beau nous offre un beau spectacle pour une détente bienvenue. Je déguste avec mes amis allemands et français une bonne omelette berbère avant un dîner classique: pâtes et légumes au menu.
Quatrième étape: marathon vers Tishka.
Le début de cette étape, un peu plus courte sur le papier que les précédentes, est particulièrement roulant: après une première montée, nous abordons en effet un grand plateau d'altitude, où une belle piste me permet de dérouler la foulée. Du coup, après deux jours un peu tranquille, je peux me mêler davantage à la course avec mes amis marocains et allemands. Ca va même assez vite.
Mais la suite est bien plus raide: une terrible montée nous attend après le vingtième kilomètre, à travers des cailloux et un sentier à peine tracé. Changement de décor, changement de terrain, changement de foulée et d'allure aussi. J'ai du mal. Je traîne un peu et me laisse vivre. Le sommet du col est long à se dessiner, l'endroit est très sauvage.
Pourtant, c'est vers la route et le col de Tishka, passage obligé entre Marrakech et Ouarzazate, que la descente nous fait plonger. Je dévale sans soucis et même assez vite à travers les pentes ocres, certains passages sableux sont même un régal. Je suis content d'arriver à toute allure au dernier ravitaillement où je retrouve Véronique et Mohamad.
Les sept derniers kilomètres, qui s'enfoncent à travers un sentier balcon plutôt vertigineux vers un village caché, près de la route mais peu accessible, ne sont tout de même pas si facile. J'ai un peu plus forcé aujourd'hui. Je dévale cependant pas si mal que ça à l'orée de ce village accroché aux pentes, où nous sommes cette fois ci logés dans une maison. Le hamam fait du bien. Les jambes sont un peu plus dures, les massages prodigués par nos deux infirmières sont appréciés.


Cinquième étape: le morceau de choix!
67 kilomètres et quelques 3000 mètres positifs, c'est de loin la plus longue étape de ce TAM qui nous attend.
Nous démarrons par la descente d'un petit "ravin" comme dit Mohamad, c'est à dire d'un canyon à travers un petit chemin pas toujours facile. Le relief est un peu en montagne russe. Nous formons vite un petit groupe avec Aziza, la première fille de la course, toute fine et qui ne doit pas peser bien lourd, le neveu Ahansal, pas bien épais non plus et qui à seulement 16 ans résiste déjà plus que bien à ces longues étapes, Omar, un guide de montagne qui court lui aussi plus que bien, Michael et Denis.
J'attends la première longue montée pour accélérer un peu et secouer le groupe, comme je me sens bien, j'en profite un peu. J'atteins le ravitaillement du 21e kilomètre au bout de 2h30 de course, en compagnie de Denis et Aziza. Un nouveau changement de décor nous attend: nous allons traverser un long et splendide plateau d'altitude.
Le décor y est vraiment agréable: rivière qui serpente, villages typiques aux maisons ocres, cultures en étages, roches aux couleurs chaudes. Le chemin est relativement facile à suivre mais n'est tout de même pas si plat. J'y adopte un long pas de "pèlerin rapide", Denis tente de me suivre tant bien que mal. Aziza est parti loin devant, de sa foulée toute légère. A un moment, nous perdons la trace, ce qui nous fait hésiter quelques instants et remonter une pente un peu raide. Nos deux autres amis marocains, qui semblent s'être remis à courir, nous redoublent à cet instant. Peu importe, nous n'avons pas perdu trop de temps ni d'énergie et c'est ce qui compte. Une longue descente, pas très pentue, sur un chemin de balcon, nous attend maintenant.
Nous atteignons ensuite un village, à l'orée de la vallée de l'Ourika. C'est une vallée très verte, belle, et bien connue des touristes. Nous traversons un pont suspendu plutôt spectaculaire, en priant pour que le bois soit solide, au dessus de la rivière, et trouvons le ravitaillement où nous attendent Alain, qui a dû abandonner hier, et Véronique. Un tout petit peu plus loin, nous nous offrons avec Denis un coca, histoire de nous relancer un peu. Il nous reste tout de même 25 kilomètres et le dernier col, à 3160m, s'annonce vraiment difficile.
Pour l'instant, nous trottons sur la route, au milieu des restaurants et des villages, en direction de Setti Fatma. Cette plongée dans la civilisation n'est pas si désagréable. Il y a du monde, des encouragements. De bonnes odeurs aussi qui donnent un peu faim, mais ça on verra après!
Après la route, nous grimpons à nouveau entre petits sentiers et pistes, nous enfonçons à nouveau dans la montagne. Denis commence vraiment à fatiguer et me laisse partir seul vers le 50e kilomètre. Un peu plus loin je retrouve Mohamad et Jorge à un point de ravitaillement. Je rattrape ensuite Omar et Ayoub, qui n'étaient pas trop loin devant.
Après une nouvelle descente et quelques traversée de villages, j'aborde enfin la dernière montée. Elle est longue et dans les cailloux. Le sentier est tracé mais serpente entre les blocs. J'y croise, à cette heure déjà avancé, des mulets, des chevaux et même des gamins qui semblent s'amuser là, à près de 2800 mètres d'altitude, alors que la brume monte et que la pluie n'est pas loin. Mes deux compagnons de route marocains me rejoignent, escortés par un gars du coin qui semble connaitre le chemin comme sa poche et monte à nos côtés, en tenue de ville. La pluie tombe drue, le vent est froid, le brouillard devient épais. Heureusement il fait encore jour. La grêle nous surprend même quelques instants juste avant le sommet.
En revanche, dès que l'on bascule, plus une goutte. Il nous faut juste redescendre vers l'Oukaimeden, la station de ski, à quelques kilomètres de là. De long kilomètres d'abords très raides et un peu glissant, puis plus faciles, sur la piste finale. Mais je commence à être fatigué et les trouve bien longs. Je laisse filer les deux jeunes marocains et termine tranquillement, comme je l'avais imaginé, juste avant la tombée de la nuit. 12h30 de course tout de même, l'étape était vraiment difficile.
Tout le monde semble bien fatigué ce soir. Denis, arrivé une heure trente après moi, est épuisé. Gilles, qui s'est un peu perdu en plus, arrivera vers 22h30, escorté par un muletier et une voiture. Tout cela construit encore de beaux souvenirs et cette première édition restera gravée dans nos mémoires pour ces moments là aussi. Nous veillons assez tard, entre massages et discussions. La course semble plus ou moins terminée, l'étape de demain étant bien plus courte. Ali a encore devancé Thomas et va l'emporter au général.

Etape 6: un petit épilogue...
Il fait froid ce matin quand nous nous élançons pour cette dernière étape. Je ne suis pas bien motivé, surtout que la descente, très longue, qui nous attend un peu plus loin, est caillouteuse et peu agréable. Je suis un peu cuit aussi. Une remontée que je parcours poussivement, le soleil qui revient, et la dernière portion qui nous mène à Imlil, au pied du Toubkal, sous une petite forêt, est plus à mon goût. Je ne trottine guère que les deux derniers kilomètres.
Nous sommes tous heureux de terminer cette belle aventure. Michael, qui s'est fait une entorse hier, est le dernier à boucler l'étape. Je termine pour ma part 9e du général, remporté par Ali devant Thomas. Mais ce n'est guère important, je suis surtout content de cette belle semaine de découverte et d'amitié, et aussi d'avoir aussi peu souffert durant ce périple.
Il nous restera ensuite deux jours de détente à Marrakech pour conclure dans la bonne humeur ce Trans Atlas Marathon! Prochaine édition en juin prochain: www.transatlas-marathon.com