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Albert Camus revient en librairie, et en force

Par Pmalgachie @pmalgachie
Albert Camus revient en librairie, et en force Le 7 novembre, vous ne l'ignorez pas, on célèbre le centenaire d'Albert Camus. Son éditeur traditionnel, Gallimard, met les petits plats dans les grands à l'occasion de l'événement. Côté grands (formats), trois volumes de correspondance sont mis en vente dès demain. Avec Louis Guilloux, Roger Martin du Gard et Francis Ponge. Mais l'événement, à mes yeux, est la parution en poche, parmi beaucoup d'autres livres publiés le même jour, des trois volumes des Carnets, disponibles séparément ou en coffret. De mai 1935 à février 1942 pour le premier volume, de janvier 1942 à mars 1951 pour le deuxième, et de mars 1951 à décembre 1959 pour le dernier, ce sont les années essentielles de la vie d'un homme qui déroulent devant nous leurs méandres quotidiens, dans le concret comme dans la pensée. Avec, au fil des pages, des bribes des livres à venir, en train de s'écrire. Cela mérite bien quelques extraits (je ne vous assommerai pas, un par volume seulement).
21 octobre 1937. Il faut singulièrement plus d'énergie pour voyager pauvrement que pour jouer au voyageur traqué. Prendre un pont sur les bateaux, arriver fatigué et creusé par l’intérieur, voyager longuement en troisième, ne faire souvent qu'un repas par jour, compter son argent et craindre à chaque minute qu'un accident inconsidéré n'interrompe un voyage par lui-même déjà si dur, tout cela demande un courage et une volonté qui défendent qu’on prenne au sérieux les prêches sur le « déracinement ». Ce n'est pas gai de voyager, ni facile. Et il faut avoir le goût du difficile et l'amour de l'inconnu pour réaliser ses rêves de voyage lorsqu'on est pauvre et sans argent. Mais à bien voir, cela prévient contre le dilettantisme et sans doute je ne dirai pas que ce qui manque à Gide et à Montherlant, c'est d'avoir des réductions sur les trains qui les contraignent du même coup à rester six jours dans une même ville. Mais je sais bien que je ne puis au fond voir les choses comme Montherlant ou Gide - à cause des réductions sur les trains.
Janvier 1942. Le seul problème contemporain : Peut-on transformer le monde sans croire au pouvoir absolu de la raison ? Malgré les illusions rationalistes, même marxistes, toute l'histoire du monde est l'histoire de la liberté. Comment les chemins de la liberté pourraient-ils être déterminés ? Il est faux sans doute de dire que ce qui est déterminé c'est ce qui a cessé de vivre. Mais il n'y a de déterminé que ce qui a été vécu. Dieu lui-même, s'il existait, ne pourrait modifier le passé. Mais l'avenir ne lui appartient ni plus ni moins qu'à l'homme.
25 août 1954. Action et écriture : Ils ne sont pas si sûrs d'avoir raison, mais cette incertitude leur donne mauvaise conscience. Ils écriront donc pour se débarrasser de cette mauvaise conscience. Pour ce faire ils chercheront de nouveaux arguments, les trouveront et affirmeront donc un peu plus. Ceux d'en face feront de même. Les positions se durciront ainsi. Tant d'affirmations répétées équivaudront à des actions. Les provoqueront bientôt. Le parti vainqueur aura ainsi assez de chefs d'accusation le jour de la victoire. À force de fuir leur mauvaise conscience les vaincus auront trouvé la culpabilité vraie et en répondront n'ayant pas voulu cela. Un autre jour les vainqueurs à leur tour seront vaincus et répondront, n'ayant pas voulu cela. L'histoire est un long crime perpétré par des innocents.

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