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Que se passe-t-il ?
Les difficultés de François Hollande auraient dû être une cure de jouvence pour une UMP par ailleurs débarrassée d'un encombrant ancien monarque. Il n'en est rien. Le rapprochement avec le Front national sème le trouble comme un poison dont nul ne connaît l'antidote.
1. François Fillon a donc allumé un feu qui n'est pas prêt de s'éteindre, il y a plus de 10 jours. "Qu'un ancien premier ministre, réputé "modéré", confirme qu'il pourrait apporter sa voix à un candidat d'extrême droite, a fort logiquement levé un vent de panique à droite" commente Le Monde. François Fillon réalise-t-il ce qu'il est en train de faire ? Mardi, au sortir d'une réunion à l'UMP, Fillon semblait comme un lapin trop effrayé par les phares. Il bafouilla une explication incompréhensible, il courrait après des sondages qui lui accorderaient 72% de soutiens parmi les sondages au sein des sympathisants de l'UMP: "Autour de ce débat, qui a été très positif, nous avons construit une position qui permet de répondre à cette nécessité de rassembler les Français". Ce "débat très positif"... Sans commentaire...
2. L'affaire du bijoutier de Nice, cette exaspération morbide de quelques centaines de milliers de personnes pour soutenir le commerçant qui avait tué l'un de ses braqueurs, a aussi agité une fraction qui n'était pas que niçoise de l'UMP. Mais cette dernière, à Nice, s'était exercée dans la surenchère locale et parfois ignoble. On se rappelle des "instructions" anti-Roms délivrées par le député-maire de Nice. Lundi 16 septembre, Eric Ciotti - soutien de François Fillon, et Christian Estrosi, sarkozyste fidèle, étaient là, écharpe tricolore sur le ventre, pour manifester leur soutien au bijoutier inculpé d'homicide volontaire. Fallait-il rappeler qu'il est interdit d'ôter la vie ?
3. Dans cette démarche, l'UMP cherche malheureusement à ré-activer la délinquance, l'immigration, et le prétendu laxisme de la gauche comme arguments électoraux. Malgré une conférence de consensus en février, les outrances contre la réforme Taubira ont redoublé. Malgré la présence sur-active et politiquement "alignée" sur nombre de ses crédos de Manuel Valls, quelques ténors UMPistes de renom ont redoublé de surenchère. Et que penser du refus d'appliquer la loi sur le mariage gay ostensiblement revendiquée par certains de ces élus de la République ?
4. Ces évolutions déplacent un peu plus toute l'UMP vers sa droite ou le craquement. L'ineffable Guillaume Peltier osa, mardi, expliquer que l'UMP avait "modernisé" le "ni-ni". Le trouble est général, la panique se constate jusque dans les colonnes du Figaro. "L'UMP n'est pas morte" veut croire Jean-Pierre Raffarin. Lundi, il paraît que Fillon est allé "rassurer" ses proches lieutenants. Ils étaient donc inquiets. Il y avait de quoi.
5. Il y a bien sûr du sursaut républicain au sein de l'UMP: Raffarin, Juppé, Bertrand, Copé, et même des soutiens de Fillon (observez combien Valérie Pécresse semble fatiguée. Ainsi les " centristes" de la "Droite Humaniste" et quelques autres ont émis des réserves: non, non, non, ils n'iront pas au Front! C'était juré, craché. Mardi, un conseil politique s'est penché en urgence pour publier, à la sortie, un édifiant communiqué d'excuses complexées: " nous nous opposons avec vigueur à la politique menée par les socialistes et leurs alliés et nous combattons avec la même vigueur tous les extrémismes et les sectarismes".
6. Cette affaire permet de rappeler que le Front national, parti légal, n'est pas un parti républicain. Ce qu'il défend n'est pas conforme au pacte républicain: la suppression de l'assurance maladie et chômage, ou des prestations familiales pour les travailleurs étrangers légaux et cotisants parce qu'ils ne sont pas Français n'est pas républicaine. L'apologie de la Russie poutinienne, de la Syrie d'Assad ou de la Chine, n'est pas républicain. Retirer le pouvoir constituant au Parlement n'est pas républicain (*). Asséner des mensonges, si prouvés qu'ils deviennent effroyables, sur le prétendu sort des sans-papiers n'est pas républicain ("Aide sociale, logement d’urgence social, scolarisation gratuite, AME, autant de pompes aspirantes qui finissent par rendre la situation hors contrôle et la situation du délinquant plus appréciable que celle des honnêtes gens." *). Conditionner l'emploi à la nationalité n'est pas républicain ("Je demande que les emplois, en ces temps de chômage, soit accordés en priorité aux Français"*).
Mardi soir, Fillon rentrait dans le rang.
Pour combien de temps ?
Il veut "faire bouger les lignes", et "créer les conditions d'une union nationale".
Avec qui ?
[ NDR: il y a deux éléments surprenants dans cette course vers l'extrême droite réactivée par François Fillon. Primo, qu'il ait préféré justement réactivé cette désastreuse tactique bassement politicienne initiée par Nicolas Sarkozy dans la seconde moitié de son mandat; secundo, qu'il ne réalise pas que les sympathisants/électeurs du Front national préfèreront toujours l'original à la pâle et opportuniste copie. Comme disait Winsto Churchill, le 5 octobre 1938, à propos d'autres circonstances de reddition morale et politique, "Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre" ]
(*) Relisez, au moins, ce curieux discours néo-bonapartiste de Marine Le Pen à l'université d'été du Front national le 15 septembre dernier.