Lolotte vient tout juste de faire sa rentrée en 6ème
et hier soir, j'ai pu assister à la
première réunion parents/ profs. Je fais partie de ces personnes qui font
confiance aux enseignants et qui vouent un culte à l'Ecole de la République.
Ayant moi-même bénéficié d'une scolarité quasi idyllique, j'ai une vision tout
à fait positive de l'enseignement et de
ceux qui permettent sa mise en œuvre.
Jules, quant à lui, est beaucoup plus timoré : maintes fois dégoûté de
certaines matières par l'incompétence des professeurs qui les enseignaient, il
garde un goût amer de sa scolarité et m'en dresse régulièrement un tableau un
peu sombre. Il faut avouer que, lorsque nous comparons nos parcours, il nous
semble ne pas avoir été scolarisés dans le même pays. De fait, j'ai grandi en
Alsace, ce qui n'est pas tout à fait la France (allez hop, mode levée de boucliers enclenché)
et dans les années 80, l'Alsace était vraiment au top en matière
d'enseignement, s'alignant sur certains principes éducatifs allemands qui
portaient leurs fruits. J'idéalise certainement, mais très sincèrement, j'en ai gardé un amour inconditionnel de
l'école, des enseignants et de leur soif
de transmettre leur savoir que je percevais vraiment comme une passion.
Alors hier soir, comme chaque année depuis que mes enfants
sont scolarisés, je me suis rendue à cette réunion confiante et sereine, en me
disant que j'allais découvrir le nouvel univers de ma fille et que j'allais
pouvoir partager avec elle mon engouement pour les différentes disciplines,
pour les cahiers bien entretenus et les pages remplies d'une belle écriture
ronde.
Depuis la rentrée, elle me parle beaucoup de ses nouveaux
profs et de leur sévérité. Je lui ai expliqué que la fermeté et l'intransigeance
était nécessaires chez les enseignants
qui prennent en main une classe de jeunes chiens fous avec les hormones en
ébullition, que c'était une manière de se faire respecter et qu'ils allaient certainement se détendre un
peu lorsqu'ils connaîtraient mieux les élèves.
J'ai bien été obligée de constater tristement que j'avais
sous-estimé quelque chose, mais quoi, je ne sais pas : la crise ? Les parents
démissionnaires ? L'effet bulldozer d'une succession de réformes scolaires toutes
aussi infructueuses les unes que les autres?
Toujours est-il que je me suis retrouvée face à une
brochette d'enseignants mal dans leur peau, aux abois, frôlant parfois l'hystérie voire la schizophrénie.
Comment expliquer mon malaise :
face à cette prof d'anglais qui te fait comprendre à grands renforts
de soupir qu'il ne faut certainement pas compter sur elle pour organiser un
voyage scolaire parce que cela équivaut pour elle à escalader le Mont-Blanc ?
face à cette prof de maths, toute jeune (et donc, a priori,
pas encore désabusée) qui n'a pas l'air
de savoir ce qu'elle fait là et qui n'a pas grand-chose à dire sur le programme
de l'année, à part qu'elle va alterner le calcul et la géométrie "pour ne pas dégoûter ses élèves" ?
face à cette prof principale qui s'adresse aux parents en
mimant tout ce qu'elle dit, comme si
nous étions fraîchement débarqués d'une autre planète?
face à cette prof d'histoire-géo complètement coincée et
nous parlant comme si nous avions nous-mêmes onze ans?
Moi qui ai toujours su me repaître de l'odeur et des bruits
familiers des salles de classe, je suis
ressortie de cette réunion oppressée par tout ce stress ambiant et par la
lumière blafarde des néons. Jamais je
n'ai quitté un établissement scolaire aussi vite. Bien évidemment, je ne veux pas faire de
généralité et j'ose espérer que certains enseignants ont encore la foi et dispensent
leurs cours avec passion.
Mais mon cœur se serre d'avance à l'idée que ma Lolotte
puisse ne pas aimer une matière juste à cause de la prof, qu'elle puisse
décrocher pour cette seule raison. En rentrant à la maison, elle m'a montré son
cahier de français : elle qui est si férue de littérature me dit de but en
blanc qu'elle ne comprend pas pourquoi elle doit étudier les contes. Alors j'ai
passé une demi-heure à lui expliquer. Avec passion. Et je le ferai autant de fois que nécessaire. Mais ce n'est pas ma vocation, encore moins
mon métier. Je n'aurai peut-être pas toujours le temps et je le ferai peut-être
mal. J'essayerai de sauver les meubles.
C'est bien triste d'en être arrivés là.
crédit photo : we heart it