A côté de l’exposition des Caprices de Goya au Palais des Beaux-Arts de Lille, plusieurs artistes contemporains ont fait des variations sur ce thème (jusqu’au 28 Juillet).
Les frères Chapman montrent ici quelques planches de leur déclinaison systématique des Caprices, planche par planche, partant de fac-similés des gravures, gardant en général la composition générale et les corps, mais remplaçant les visages humains par des grotesques. C’est un bel exercice de style, de réinterprétation, mais, revenant toujours à l’original, on reste un peu sur sa faim devant ce ready-made d’un nouveau genre : trop littéral, trop décalqué. (Like a dog returns to its vomit, n°26)
Yasumasa Morimura transpose bien davantage : d’abord ce sont de grandes photos colorées, d’une facture très différente, beaucoup plus forte et présente. Il n’y a ici qu’une quinzaine de photos, Morimura a choisi les planches les plus fortes à ses yeux, les plus picturales pour rejouer l’histoire des Caprices aujourd’hui. Mais surtout il s’agit là d’autoportraits, d’appropriation : tous les personnages, humains ou chimères, sont en fait représentés par Morimura lui-même qui se grime, se module, se transforme pour apparaître comme coquette, moine, galant, singe ou hibou. Ce travestissement se surimpose au propos de Goya, créant une atmosphère très dérangeante. (Look, this is in fashion !)
Les autres artistes sont davantage dans l’allusion, dans l’inspiration, plutôt que dans la transposition. La plus intéressante est Rona Pondick qui crée des hybrides hommes-singes en acier inox, mat pour les uns, brillant pour les autres. Cet amoncellement de corps emmêlés, enchevêtrés (Monkeys) évoque irrésistiblement un roi de rats (comme ici), créature monstrueuse qui n’aurait pas déparé chez Goya.
Ceci dit, il est difficile de confronter art classique et art contemporain, et mieux vaut le faire avec plus de subtilité, comme à Orsay et au Louvre. Je regrette aussi l’absence des travaux de Sigmar Polke autour des Caprices (et en particulier des Vieilles), infiniment plus forts que tout ce qui est montré ici (lire l’excellent livre de Xavier Domino sur ce thème).
Jake et Dinos Chapman étant représentés par l’ADAGP, la photo de leur oeuvre sera retirée à la fin de l’exposition.