Le Québec sur la voie de la laïcité à la française ?

Publié le 18 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Le Québec pourrait se doter d'une "Charte des valeurs" directement inspiré du droit français et du principe de laïcité, tel qu'il existe dans notre pays. Mais là-bas comme ici, la mise en œuvre de la laïcité semble poser plus de problèmes qu'elle n'en résout.
Par Nathalie Elgrably-Lévy, depuis Montréal, Québec.

Tel qu’annoncé, la Charte des valeurs du Parti québécois s’articule autour de la neutralité religieuse de l’État. Sur le principe, la neutralité, c’est comme la vertu, personne ne peut être contre. Or, tandis que la neutralité est une fin, la Charte n’est qu’un moyen. Et dans ce cas, le moyen suscite bien des interrogations !

Pour le gouvernement Marois, la neutralité de l’État passe par la neutralisation des symboles religieux « ostentatoires », tout en autorisant ceux de « petite taille ». On ne peut que féliciter Québec de vouloir faire dans la nuance, mais certainement pas au détriment de la cohérence.

La Charte déclare que : « Si l’État est neutre, chaque personne qui le représente doit l’être également ». Soit ! Mais alors comment M. Drainville explique-t-il l’exception pour les bijoux de petite taille ? Que la croix accrochée au cou du fonctionnaire mesure trois ou deux, ou même un centimètre, la simple présence de la croix ne suffit-elle pas à révéler la foi de celui-ci et donc, selon la logique du PQ, à compromettre la neutralité de l’État ? Si oui, alors les symboles de toute taille devraient être interdits. Si non, pourquoi légiférer sur la taille du symbole ?

Et comment réagir devant la personne qui porterait simultanément un pendentif, des boucles d’oreilles, une bague, un bracelet, une épinglette et une barrette avec un symbole de « petite taille », c’est ostentatoire ou non ? Si oui, combien d’objets d’un centimètre faut-il porter pour parler d’ostentation ? Et s’ils mesurent deux centimètres ?

M. Drainville a clairement identifié, photos à l’appui, les symboles religieux qui sont considérés ostentatoires : le foulard, la kippa et le turban. Mais qu’en est-il des symboles ostentatoires non religieux qui peuvent remplir une fonction similaire ? Si, au lieu de porter une kippa, un juif choisissait de se couvrir la tête avec un chapeau de cowboy, serait-il dans l’illégalité ? Et un sombrero ? Et si au contraire le diamètre de sa kippa diminuait pour atteindre des proportions comparables à celle d’une croix jugée légale, serait-il alors autorisé à la porter ? Quant à l’homme sikh, que faire s’il remplaçait son turban par un chapeau d’aviateur qui couvrirait entièrement ses cheveux ?

Incohérence ostentatoire

Évidemment, ce qui précède est sarcastique. Mais c’est bien la preuve que cette Charte ne règlera rien du tout.

D’abord parce que les croyants pourraient fort bien tourner la Charte en dérision en adaptant leurs symboles religieux de manière à vivre selon leurs convictions tout en donnant d’affreux maux de tête aux chevaliers de la laïcité.

Mais par-dessus tout, parce qu’elle ne s’attaque pas à la véritable source d’inquiétude des Québécois, à savoir l’islamisme, ou la récupération de l’islam à des fins politiques radicales. Malheureusement, l’élite politique n’ose pas s’avancer sur ce terrain. Pourtant, reconnaissons-le, c’est bien de cela et de cela uniquement qu’il s’agit.

Le gouvernement Marois prétend faire preuve d’audace en proposant une solution « mur à mur ». Au contraire, cette Charte brouillonne, sans aucune rigueur intellectuelle ni fondement logique, ne réussit qu’une chose : elle permet à Québec de se draper dans l’action tout en restant parfaitement immobile face au seul mouvement qui menace réellement les libertés individuelles et le mode de vie occidental. Dans le fonds, cette Charte n’est pas une preuve de courage, mais bien un signe de lâcheté !

---
Publié initialement par le Journal de Montréal.