Il y a, avec les livres qu’on aime, une perpétuelle « familiarité ». Ils sont posés là, pas loin, on les côtoie, on les fréquente, on les croise, parfois, on les ouvre à nouveau, au hasard d’une page.
Le lecteur se souvient de mes « fréquentations » siciliennes relativement à l’écriture du Ponton, parmi lesquelles Lampedusa. La peinture que ce roman offre de la société sicilienne me ramène à des épisodes vécus dans les salons d’une famille de la haute bourgeoisie qu’avait fréquentée ma sœur il y a de cela quelques années.
Au titre de grand frère de la fiancée, j’avais eu l’occasion de pénétrer ces cercles un peu fermés dignes de la société décrite par Lampedusa. Je laisse la place à sa plume, c’est au début du chapitre sixième…
Les femmes au bal ne lui plaisaient pas davantage… en ce temps-là, les fréquents mariages entre cousins, dictés par la paresse sexuelle et les calculs terriens, le manque de protéines dans l’alimentation, aggravé par l’abondance des amylacés, l’absence totale d’air frais et de mouvement, tout avait rempli les salons d’une foule de fillettes basses sur pattes, invraisemblablement olivâtres, insupportablement zézayantes. Elles passaient leur temps collées les unes aux autres, lançant en chœur leurs appels aux jeunes gens effrayés. Elles semblaient n’être là que pour servir de repoussoir à trois ou quatre belles créatures qui, comme la blonde Maria Palma, la magnifique Eleonora Giardinelli, passaient en glissant, cygnes sur un étang rempli de grenouilles.
Il me faut revenir demain sur cet extrait et ses implications personnelles.