Les femmes de ménage célestes ayant tout juste fini de récurer le sol du sang de la vigne qui l'entachait, voilà qu'un coin de ciel bleu daigna faire son apparition au dessus du rocher de Château Chalon. Pour mieux sécher les raisins et les marnes, bleues également, encore un peu détrempées et qui collent aux chaussures du randonneur de passage. On n'arrête pas le Progrès et c'est à la demande d'un des journalistes du quotidien jurassien que j'ai pris la route du vignoble, dans l'indifférence générale (Pierre Arditi étant parti tourner un peu plus loin). Pour une rencontre vigneronne doublée d'une interview, où il n'a absolument pas été question du meilleur vin blanc du Jura de l'année du monde. Tout ça dans le cadre d'une grande thématique vin à paraître quotidiennement début octobre, pendant les vendanges. On n'arrête pas le Progrès! Des vendanges 2013 dont le ban ne devrait pas tarder à être annoncé, sans doute la semaine prochaine pour les crémants. Derniers coups de rotofil sur les terrasses du Puits Saint-Pierre, là où la pente est particulièrement raide, juste sous l'abbatiale. Ce qui n'empêchera pas les futurs vendangeurs de bien suer dans la vigne.
Le marcheur qui entame l'ascension a le choix entre la route et le rang de vigne pour grimper vers le ciel. Le VTTiste suivra préférentiellement le balisage, qui ne manque pas de dénivelé avant le ravitaillement du sommet. De quoi programmer une belle escapade jurassienne pour le week-end. Là aussi en y laissant de la sueur, mais qui nourrira à peine le sol, imperméable aux pluies comme à la détresse physique humaine.
Et pendant ce temps, le savagnin verdit (il mûrit, quoi, rapport à sa couleur!).
Avant de suer sang et eau dans la vigne, il avait bien fallu s'hydrater un peu. Tout d'abord grâce à quelques produits locaux, cultivés et élevés dans le grand respect d'une tradition ancestrale, chez Gabrielle Rizzi. Des vins d'un classicisme exemplaire, empreints d'une relative rusticité de bon aloi. Mention particulière au Chardonnay 2010 de ce micro domaine familial, d'un seul petit hectare, dont une centaine d'ares en Château Chalon, pile sous le rocher. Toute la (petite) récolte bientôt vendue directement aux particuliers et aux touristes, le petit caveau sis rue Saint-Jean va bientôt fermer, être démonté et consciencieusement rangé, afin de laisser la place à une cave plus vaste destinée à accueillir le tracteur en prévision des prochaines vendanges. Encore de la sueur en perspective!
À Château Chalon, la sueur n'a pourtant pas attendu le randonneur ou le vendangeur de passage pour couler. Il fut un temps où le sentier de petite randonnée vibrait sous les pas des vignerons qui l'empruntait pour aller travailler la vigne du Puits Saint-Pierre. Surtout ne pas oublier de leur rendre hommage, au vu du service rendu.
En débouchant une bonne bouteille avec la première fondue automnale du soir, par exemple. Un 2003 en train de virer vers des notes pétrolées au nez, mais d'une fraîcheur de structure à faire pâlir de jalousie un sculpteur sur glace.
Olif