Au fond, il y a dans cette poésie un refus égal de l’épanchement lyrique et de
la fulgurance type Char. Poèmes comme éclats sans éclat, sans effets sonores
appuyés non plus. On verrait plutôt une sorte de mobile composé de petits
éléments de sens ébréché que le lecteur fait bouger au fil des pages. On saisit
qu’il y a une séparation et une reconstruction lente : « le reste est
ce qu’il peut » (p.37), « il a fallu//marcher perdre//pour que tout
arrive » (p.42), « travailler// à tout survivre » (p.64)
Mais il n’est pas possible à partir des poèmes, qui sont pourtant des jalons,
de reconstituer un récit, une « histoire ». Il n’y a d’ailleurs pas
de « je » dans ce livre, seulement de l’impersonnel, et parfois le « on ».
Sauf dans un seul des tout derniers poèmes, peut-être la clé du livre :
« j’avance//parole transparente//une enfance/plus bas/m’a
laissée/opaque » (p.75). Le mouvement final est bien celui d’une
libération fragile, comme en témoigne aussi le dernier poème :
« toujours à ouvrir//la main//sera » (p.78)
Signalons aussi la publication chez Propos2éditions d’un beau petit livre où
les poèmes de Stéphanie Ferrat accompagnent des photos en noir et blanc de
Magali Ballet.
[Antoine Emaz]
Stéphanie Ferrat, Caillot, Editions
La lettre volée, 80 pages – 15€