17/09/13
La première journée de mon voyage s’est avérée un peu rude. Le coucher surtout.
J’ai quitté Bruxelles et sa chic avenue Louise, il était 11h11. C’est l’heure qui était indiquée sur le premier horodateur que j’ai croisé. Je promets de vérifier le premier horodateur que je trouverais à Saint Jacques de Compostelle. Il y a une multitude de détails de la sorte qui peuvent colorer une journée et transformer un événement quelconque en une anecdote amusante voir même fichtrement fantastique si je vous disais, par exemple, que je suis arrivé à Saint Jacques à 66h66 !
J’ai donc traversé une partie de la ville le cœur léger et le pas lourd. Autour des étangs du quartier d’Ixelles, une foule de femmes de tous âges et de toutes formes, couraient au nom de la lutte contre le cancer du sein qui, comme vous le savez, dissémine chaque année 400 000 femmes dans le monde. Ce chiffre là, lui, n’a rien de drôle. La course n’était autorisée que pour les femmes. Pourtant il y avait, ça et là, quelques hommes qui, quoi que manquant de chromosomes X, n’étais pas en manque d’idée pour se grimer, se posticher et se maquiller abondamment, pour montrer, non sans humour, leur soutien à la gent féminine. Pour ma part, pendant quelques centaines de mètre, j’ai intensément soutenu ces femmes en short et en sueur, en leur souriant franchement.
Après deux bonnes heures de marche, un premier bilan s’imposait à moi, douloureusement. Ce n’est plus un sac que je portais sur le dos mais un cheval mort que je traînais. Une tonne, peut être deux, pas facile de savoir exactement. Bien trop lourd en tous cas. Ceci, je le savais parfaitement. Je n’arriverais jamais en Espagne avec ce poids, ni même en France d’ailleurs. Après une dizaine de kilomètre, ce constat était sans appel. Avant de quitter Bruxelles et Robby, mon colocataire pendant mon séjour là-bas, je me suis délesté de quelques articles jugés inutiles et encombrant. Je pensais, pas peu fier de moi, avoir efficacement allégé mon sac en me contentent ainsi de l’essentiel. Raté. Il allait me falloir faire des choix difficiles, trouver ce qu’est l’essentiel dans l’essentiel et me séparer de quelques autres fringues moins essentiel que l’essentiel. Et ce, à la première heure de l’aube prochaine.
A mon arrivé à la destination du jour, Overrisje, l’heure du repos sonnait enfin. Je n’ai pas marché beaucoup, environ seize kilomètres. Pourtant, j’étais fatigué et touché en différents endroits du corps. Sur le podium des meurtrissures, la médaille d’or revenait aux épaules, les pieds obtenaient l’argent et la hanche gauche décrochait le bronze. Après avoir fait une petite balade dans le village et le tour de sa charmante petite église, il n’y avait plus rien à voir dans le dit village. Je me suis donc, avec plaisir, offert un café dans le bistrot en face de l’église. Après plusieurs heures passées à lire et écrire, l’heure était au repérage des lieux, en vu de trouver un endroit calme et discret pour y planter ma tente, le soir venu. Comme à cette période de l’année la nuit tombe autour de 20 h et comme depuis quelques semaines, je me suis habitué à me coucher après minuit, mon plan du jour était de repérer un endroit sympa, à l’écart des tourments et de revenir ensuite au village pour y passer la soirée, dans un troquet. Une fois trouvé cet endroit, je me suis donc dirigé vers la place centrale car j’y ai aperçu une friterie et il n’est pas question que je quitte la Belgique sans être passé par une de leur fameuse friterie. « La culture du terrain » que j’appelle cette démarche.
Les heures ont passées, douces et agréables. Une fois retentis le coup de sifflet final de la rencontre Lyon/Rennes, il était grand temps d’aller planter ma tente et de me reposer. Au moment de quitter le bar, la pluie s’est mise à tomber. J’ai attendu encore une demie heure, à l’abri, pour m’offrir une chance de voir l’averse cesser, en vain. Vers 23h, j’ai donc, malgré la pluie, quitté le bistrot et ses trois meilleurs clients, nous étions un dimanche. Motivé par les encouragements du tenancier et de ses amis de comptoir, je filais bon train. Arrivé sur mon lieu de camping, la pluie avait redoublé, encouragée elle, par le le cri de la nature assoiffée. A la vitesse de l’éclair, ou pas très loin, dans le noir et de plus en plus mouillé, je me suis lancé dans le montage de la tente, non sans un soupçon de désarrois. Quelle mauvaise surprise de constater que les petits pieux qui servent à fixer la tente au sol, ne pouvaient pas pénétrer cette terre, qui n’avait de terre que le nom ! En effet le sol, en cet endroit, n’était que pierre. Et cette pluie qui n’en finissait pas de tomber. Heureusement, j’ai rapidement trouvé, dans les parages, des palettes de transport, en bois. J’ai pu en entourer la tente et y fixer les ficelles du toit. Une fois à l’intérieur, après de longues minutes de combat sous la pluie, au moment de fermer la tente derrière moi, j’étais trempé, de pluie et de sueur. Le cœur battant, j’ai dû sécher le sol de la tente lui aussi trempé. Les fringues, les chaussures, le tapis de sol, le sac à dos, tout ou presque étaient trempés. Mon cœur aussi était trempé. Heureusement qu’au moment de faire mon sac, j’ai pris le temps d’isoler, d’un sac plastique, chaque chose dans mon sac. Heureusement également que mes cheveux étaient protégés de mon chapeau de velours. Au moins il y avait quelques survivants. C’était réconfortant. Une séance de méditation s’est imposée pour faire redescendre le rythme cardiaque, me calmer et me préparer à une bonne nuit de repos malgré l’humidité. Il était enfin temps de dormir. En quittant Bruxelles, je voulais de l’aventure. La teneur de cette première soirée me faisait comprendre que j’allais être servis.
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