S’il s’avère facile – quoique futile – de tirer à vue, à l’occasion de ce premier éditorial, sur ceux prétendant avec solennité avoir déniché aux quatre coins de l’hexagone une nouvelle scène française »fière comme un coq » et pétrie »de l’audace et de l’ambition d’une génération spontanée, [composant] pour des lendemains qui chantent« (rire ou bien pleurer) – rassemblant les groupes que l’on évitera de citer comme d’autres ad nauseam -, il semble plus approprié de signaler l’effort estival réalisé par l’équipe du mensuel Tsugi, qui a couché sur papier un numéro dédié à la musique en 100 labels, à la fois concis et ludique, ratissant large et mettant le métier en perspective. Bien que certains choix soient discutables et qu’une telle sélectivité engendre les défauts de ses qualités, on se retrouve délectablement plongé dans un passé plus ou moins proche, à travers les genres et par-delà le globe, de Manchester à Détroit, de Paris à Berlin. Néanmoins, un édito de Patrice Bardot, corroboré par un article conclusif et prospectif, pique les yeux tout en éludant les bonnes questions : « Les labels doivent muter ou mourir. Ça peut paraître brutal, mais c’est ce qui rend passionnant le futur de l’industrie musicale. » On ne comprend pas bien, de quoi parles-tu vraiment Patrice ? Comment peut-on cocher dans ta liste Factory, Underground Resistance ou Rough Trade, tout en parlant de transition économique de l’industrie musicale ? N’est-ce pas se résoudre à demander à Emmanuel Chain si oui ou merde il y a un renouveau de la nuit à Paris ? Le malaise se fait encore un peu plus insistant vers la fin du hors-série où Anthony Mansuy imagine ce à quoi ressemblera un label en 2023 et ce, selon six scénarios inspirés des grandes tendances actuelles : « la gratuité améliorée« , « le tout-streaming » – l’album devenant une simple « dépense marketing » -, « l’élargissement et la diversification des compétences » - la maison de disques prenant sa marge sur les tournées et les produits dérivés -, « l’artiste livré à lui-même » et se tapant tout le boulot grâce a sa connexion internet, « le travail avec les marques et la publicité » et, enfin, le « direct-to-fan », sorte d’abonnement aux sorties d’un label. Et cette conclusion, toute démoniaque : « Qui saura draguer le fan saura attirer le pognon« . Net, sans bavure, on touche ici le nerf saillant de l’économie culturelle et de la récupération compulsive des marges : on n’imagine pas les futurs improbables mais passionnants d’une multitude de labels se saignant, débordant d’imagination, multipliant les supports physiques et bravant la démerde et les pré-commandes pour faire émerger les artistes auxquels il croient, non, on pavoise dévotement sur un futur universel où les groupes – repérés pour leur potentialité – ne sont qu’une ressource, parmi d’autres, à faire fructifier – le label étant le dépositaire naturel desdites stratégies marketing. Spontanément, et plutôt que de crier vilement au loup, Hartzine préfère mettre l’accent ce mois-ci sur trois micro-structures encore absentes des macro-radars, avec un Who Are You? dédié le 16 septembre prochain aux londoniens Night School Records, une release party de Geste le 20 à l’International co-présentée avec le label Fin de Siècle (Event FB), et une label night le 27 consacrée au label techno parisien Dement3d avec Dscrd, Polar Inertia, François X, Heartbeat et Ligovskoï (Event FB). À ce titre, et s’il faut parler à tout prix commerce à l’heure du redressement productif national, pourquoi ne s’acharne-t-on qu’avec ce prétendu renouveau de la pop française ?