Etymologie

Publié le 17 septembre 2013 par Feuilly

Je voudrais revenir, encore une fois, sur le Charroi de Nîmes, ou plus exactement sur les notes de Claude Lachet, le professeur de Lyon III qui a traduit le texte. On trouve dans ces notes de nombreuses remarques étymologiques et certaines ont attiré mon attention.

Ainsi en va-t-il du mot « Bachelier ». Dans les chansons de geste, ce terme désigne toujours une personne jeune, quelle que soit sa condition sociale. On peut donc traduire ce terme par « adolescent ». Souvent, le mot est accompagné par un adjectif qui souligne les qualités propres à la jeunesse (audace, enthousiasme, générosité). A partir du XIV° siècle, « bachelier » désigne le premier grade universitaire.

« Payer en monnaie de singe ». Le pont reliant l’île de la Cité à la rive gauche de la Seine s’appelait le « Petit Pont » et c’était le plus ancien pont de Paris. Construit en pierre en 1185, il a souvent été détruit par les crues du fleuve (ou même par les incendies qui embrasaient les maisons de bois dont il était bordé). Pour le traverser, il fallait payer. Seuls les jongleurs étaient dispensés du péage. Pour prouver leur état de jongleurs, ils faisaient exécuter des tours à leur singe, d’où l’expression « payer en monnaie de singe ».

« Oïr » : du latin « audire », le verbe oïr est le terme usuel au Moyen-Age pour désigner le fait de percevoir des sons. Les formes trop brèves de ce verbe et les homophonies gênantes avec celles du verbe avoir ont entraîné son abandon au profit du verbe « entendre ». Comme chacun sait, oïr a survécu à l’impératif (« oyez », formule qu’employaient les hérauts), dans l’expression « par ouï-dire » et dans l’adjectif « inouï ».

« Repaire ». Ce terme provient indirectement du mot latin « patria », ce qui ne saute pas aux yeux. En effet, à côté de « patria » existait le verbe « repatriare » ( rentrer dans sa patrie, rentrer chez soi), lequel avait donné repairier en ancien français, avec le sens premier de revenir dans un endroit familier. Ensuite, par extension, il a signifié demeurer, séjourner. Du coup, le déverbal « repaire »  a pris le sens de ‘retour », « endroit où l’on séjourne », mais aussi de « gîte des animaux sauvages ». A partir du XVII°, on distingue « repaire » (lieu de refuge pour les animaux ou les individus dangereux)  et « repère » (retour à un point déterminé, la marque servant à retrouver un emplacement). Notons pour ce dernier  terme un rapprochement inconscient avec le latin « reperire » (retrouver).

« Femme ». Le terme latin « uxor » (femme mariée) avait donné en ancien français « oissour », bientôt remplacé par « moillier » (du latin « mulier » lequel désignait d’abord et plus généralement toute personne de sexe féminin), toujours avec le même sens. Le même étymon a bien entendu donné « mujer » en espagnol. C’est au XV° siècle que « moillier » disparaît à son tour au profit de « femme ». Ce mot est en fait un participe présent passif qui signifiait « qui est sucée, qui allaite » et s’appliquait dans un premier temps exclusivement aux animaux femelles. On rapprochera le terme du verbe « fellare », sucer, lequel a donné « fellation » en français. Comme quoi l’étymologie réserve bien des surprises…