Hier, j’ai renoué avec une auteure que j’aime beaucoup depuis l’adolescence.
Je me souviens des heures de bonheur à lire Rebecca, puis L’Auberge de la Jamaïque, puis Mad, Ma cousine Rachel, L’aventure vient de la mer et La Maison sur le rivage. Je trouvais la plupart de ces oeuvres dans la bibliothèque de ma tante, dans la maison adorée de ma grand-mère maternelle, maison biscornue pleine de chats qui aurait très bien pu servir de cadre à une histoire hantée de Daphné du Maurier. Les romans étaient dans la collection poche datée, avec des illustrations assez moches qui me réjouissaient totalement.
Cette auteure britannique est un peu sous-estimée à mon avis. On la cantonne au rôle d’écrivaine de romans gothiques pour jeunes filles (ce que je viens de confirmer ci-dessus), ou à la fournisseuse en chef de scénarios pour Alfred Hitchcock. Il me semble qu’elle est toutefois bien plus que cela, et on le mesure pleinement dans le court roman (ou la longue nouvelle) que j’ai lu hier : Le Pommier. (Je l’ai lu en français mais dans un recueil tout vilain alors j’ai préféré mettre cette couverture en VO, délicieusement désuète.)
Ce récit est extrêmement prenant. Et pour moi, c’est toujours un compliment. Je ne pense pas que ça enlève de la qualité à un texte qu’il soit haletant et captivant quant à son intrigue. Il s’agit pourtant d’un suspense assez psychologique puisque, somme toute, toute l’histoire s’articule autour de la vie assez morne d’un jeune veuf propriétaire d’une maison tranquille dans une petite ville anglaise. Sa propriété inclut un jardin dans lequel vivote un étrange pommier, qui, ni vraiment vivant (il est malingre et menace de mourir) ni vraiment mort (il connait un regain maladif assez stupéfiant), finit par devenir pour le personnage principal une source de malaise tenace. J’ai adoré comme, d’une manière assez similaire à celle de Maupassant dans Le Horla, l’inexplicable devient taraudant, obsédant, maléfique. On a tous connu ce sentiment de malaise face à un fait qui semble ne se produire que pour NOUS déranger, nous PARTICULIÈREMENT, que l’on ne peut expliquer sous peine de passer pour fou, un objet qui paraît n’exister que pour NOUS déplaire. Daphné Du Maurier tire jusqu’au bout la logique de cette anomalie, et le malaise va crescendo. Et l’air de rien, elle compose une subtile variation sur les thèmes de la chair, de l’appétit de vivre, du désir. De la part d’une femme, en 1952, c’était plutôt culotté et drôlement bien ficelé.
N’oublions pas Daphné du Maurier… et sortons ses livres de nos greniers poussiéreux…
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