Deux équipes d’astronomes qui ont mené indépendamment des recherches sur le bulbe central de notre galaxie concluent à une forme bosselée et en X de cette région distante de 27 000 années-lumière.
Comme chacun sait, voyager dans l’espace interstellaire est encore hors de notre portée. C’est tout juste si nous réussissons quelques sauts de puce en direction des planètes de notre système solaire. Certes la vaillante sonde spatiale Voyager 1 vient de franchir l’héliopause, baignant désormais dans le plasma intersidéral, mais elle n’a parcourue en 36 ans qu’une distance relativement modeste : 19 milliards de kilomètres soit 125 fois la distance Terre-Soleil (unité astronomique). Ce qui ne représente, somme toute, que quelques dizaines d’heures-lumière … Alors deviser notre galaxie la Voie Lactée dans son entier est un rêve que l’humanité caresse et n’est, hélas, pas encore prête de réaliser. Songez que pour cela il nous faudrait d’abord parcourir plus de 25 000 années-lumière pour en sortir (un périple de 25 000 ans à la vitesse de la lumière !) puis nous éloigner encore afin de profiter du meilleur point de vue possible … Bref, c’est une entreprise “renvoyée aux calendes grecques” à défaut de la confier à l’USS Enterprise.
Pour patienter, les astronomes élaborent des modèles et spéculent sur la structure de notre galaxie, cette vaste communauté estimée à 200 milliards de masses solaires étalées sur 100 000 années-lumière. L’envoûtante Voie Lactée que l’on peut admirer au cours des douces nuits de l’été boréal n’en est, en réalité, qu’un morceau. Une part de ce gâteau galactique vu de l’intérieur, plus précisément depuis un faible point lumineux (Soleil) autour duquel gravite une boule rocheuse bleue, 109 fois plus petite …
Toutefois, malgré ce handicap auquel il faut ajouter celui d’une “visibilité réduite” par les nébuleuses obscures lesquelles voilent cette région distante de 27 000 années-lumière, deux équipes internationales de chercheurs qui se sont appuyé sur les technologies de l’European Southern Observatory (ESO) proposent un portrait inédit et en trois dimensions (3-D) du bulbe galactique, imposant renflement central où se concentrent plus de 10 milliards d’étoiles. Pour mener à bien ce projet ambitieux, la première équipe issue de la Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics (MPE) s’est penchée sur les données de VISTA Variables in the Via Lactea Survey (VVV), l’un des plus importants sondages dans le rayonnement proche infrarouge (dans cette longueur d’onde, il est possible d’observer à travers les nuages de poussières) effectué avec le télescope VISTA (Mont Paranal). Parmi ce catalogue recensant des étoiles jusqu’à 30 fois moins lumineuse que dans de précédents sondages, pas moins de 22 millions de géantes rouges ont été identifiées pour servir de référents dans les distances, de par leurs propriétés. Ainsi, “connaissant la distribution de ces étoiles” explique Christopher Wegg, l’un des auteurs de cette étude “nous pouvons dresser une carte 3-D du bulbe galactique”. Ajoutant qu’“il s’agit de la toute première cartographie réalisée sans formuler la moindre hypothèse concernant la forme du bulbe.” Pour décrire la région centrale, son collègue Ortwin Gerhard évoque “une forme de cacahuète enveloppée dans sa coque, vue par le côté, et celle d’une barre très allongée quand on la regarde de dessus”. Une structure en forme de X qui n’est pas sans rappelée celle mise en avant par la précédente campagne d’observation infrarouge 2MASS (Two Micron All-Sky Survey) entre 1997 et 2003. La proposition est en accord avec “les simulations de notre groupe” poursuit le chercheur de la MPE, et “montre que cette forme est caractéristique des galaxies [spirales] barrées qui se sont développées à partir d’un pur disque d’étoiles.”
Carte de la Voie Lactée mise à jour
Emmenée par Sergio Vásquez, la seconde équipe qui a relevé les mouvements de centaines d’étoiles dans le plan de la Voie Lactée à 11 années d’intervalle avec le télescope MPG/ESO de 2,2 mètres combinée à des observations par vitesse radiale avec le spectrographe FLAMES-GIRAFFE du VLT (Very Large Telescope), livre des conclusions similaires : “les étoiles que nous avons observées semblent se répartir le long des bras du bulbe en forme de X” résume l’étudiant à l’Université Catholique Pontificale du Chili, “leurs orbites les entraînant de part et d’autres ainsi qu’à l’extérieur du plan de la Voie Lactée.” Concluant lui aussi que “ce résultat est parfaitement conforme aux prévisions des modèles les plus avancés !”