Loup : un débat piégeant ?

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

" Mauvaise volonté des éleveurs ou véritable impossibilité à faire face aux attaques ? Toujours est-il que le loup, pas si mauvais diable, contribue à donner un coup de projecteur sur les difficultés de la filière ovine. "

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences (*), 6 septembre 2013
La Dépêche, le Midi Libre, le Républicain lorrain, Nice Matin, Loup et élevage dans le Mercantour, Frituremag...

En ces jours de rentrée de classe, voilà que le loup refait opportunément surface pour faire peur aux enfants. Et visiblement, pas qu’à eux ! A tel point qu’à trop vouloir montrer les crocs, certains auraient mieux fait de se taire. Et que depuis des années, les arguments se mordent la queue. Restent de vraies questions quant à la supposée impossible coexistence entre Canis lupus et l’Homo pastoralis

Une filière prise à la gorge

Des Vosges à l’Aveyron, en passant par les Alpes Maritimes, les bergers sont vent-debout face aux attaques perpétrées par l’animal : 1.874 ont été recensées par l’Etat en 2012. Le Président de la Chambre d’agriculture des Alpes Maritimes, Michel Dessus se désole dans les pages de Midi Libre "Chez nous, c’est simple : le loup coûte 800 000 € par an. L’an dernier, nous avons essuyé 800 attaques. Il y a eu près de 2 500 victimes... Aujourd’hui, nous sommes en pleine crise économique. Le loup vient en rajouter. Nous n’avons pas besoin de ça".

Sur le sentier de la guerre

Dans la foulée, il n’y a pas de mots assez durs pour s’en prendre à la bête, ce « Bachar El Assad » des pâturages à en croire le journaliste André Fournon, se risquant à un rapprochement un poil indécent. Dans le buzz politique de Nice Matin, il n’hésite pas en effet à comparer le combat à livrer contre le loup… à l’intervention syrienne ! Car, dit-il, « François Hollande, chef de l’Etat et chef des Armées, doit se convaincre que des Alpes-Maritimes à la Syrie, il n’existe pas de "guerre" secondaire et que chaque conflit exige une décision de sa part. ». Les Syriens apprécieront. Interventionnistes aussi des bergers des Alpes Maritimes et du Vercors qui, en début de semaine, ont adressé une lettre au Président de la République lui demandant de « prélever » 24 loups d’ici ce vendredi 6 septembre (soit la totalité des abattages prévu par le Plan loup sur 2013- 2014) quitte pour cela à faire appel à l’armée.

Le pastoralisme y laisserait-il sa peau ?

Sur cette question de l’abattage, la Confédération paysanne semble alignée sur le positionnement du reste de la filière agropastorale. La dépêche du midi rapporte les échanges qui ont eu lieu lors d’une réunion publique organisée par le syndicat le 31 août autour de la problématique du retour du loup en Aveyron. José Bové est formel : « sa présence est incompatible avec l’agropastoralisme » et de rappeler que « les paysages et la biodiversité des zones de montagne ont été façonnés par l’élevage ». Ces deux arguments sont les plus repris par les éleveurs qui rappellent souvent qu’on leur doit le classement de bien des sites : "N’oublions pas que nos causses ont été classés par l’Unesco grâce au pastoralisme. Si demain, nous perdions nos bergers, fini le patrimoine mondial" menace Luc Hincelin, le président du syndicat des éleveurs ovins du Gard dans le Midi Libre.
Quant à la question de la protection des troupeaux par diverses méthodes (chiens, bergers, enclos de nuit), ils sont nombreux à penser que rien n’y fait. Pourtant c’est la méthode appliquée en Espagne et en Italie où les loups sont beaucoup plus nombreux et où la cohabitation non sans tensions est ancestrale. Pour Gaston Franco, aujourd’hui député européen PPE, anciennement Maire de Saint-Martin Vésubie et vice-président du parc national du Mercantour, la clé réside dans la surveillance des troupeaux. Dans une interview accordée à un site dédié à la question du loup et de l’élevage dans le Mercantour, il considère que le loup menace les éleveurs parce qu’il les oblige avant tout « à changer leur façon de travailler, leur mode de vie. Et je comprends que ce soit pour eux difficile et compliqué mais à partir du moment où le loup est revenu de façon naturelle et de façon durable, il faudra bien qu’on s’adapte. C’est à ce prix-là que le pastoralisme pourra se perpétuer. »
Alors mauvaise volonté des éleveurs ou véritable impossibilité à faire face aux attaques ? Toujours est-il que le loup, pas si mauvais diable, contribue à donner un coup de projecteur sur les difficultés de la filière ovine.
Source
La Dépêche, Peu de partisans pour le loup
Le Midi Libre, Manifestation à Langogne : "Loup en liberté, agriculture en danger"
Nice Matin, le buzz politique, Les loups : l’autre "guerre" de François Hollande
Frituremag, Pastoralisme et retour du loup : le temps de l’action, la force de l’union
Le Républicain lorrain, Vosges : le loup remet le couvert
Loup et élevage dans le Mercantour, La clé c’est de surveiller les troupeaux

(*) La Mission d’animation des agrobiosciences est un centre de débats public. Elle est financée par le Conseil régional Midi-Pyrénées et le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche dans le cadre d’un contrat quadriennal ENFA-DGER-Région.