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IVG : le futur combat pas très net de Vallaud-Belkacem

Publié le 16 septembre 2013 par H16

Mes bras, qui étaient déjà tombés à de multiples reprises ces derniers temps, sont à nouveau au sol. Je tape à présent avec mon nez, ce qui me ralentit considérablement. Et quelle est la raison de cette chute inopinée et incapacitante ? Une nouvelle exaction de Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parlote du gouvernement et ministre du droit des femmes.

Et cette fois-ci, c’est plutôt la partie Ministre du droit des femmes dans le pif des hommes qui s’est bruyamment exprimée en faisant plein de bruit avec sa bouche.

Elle aurait dû écrire, mais ses petits doigts potelés étaient bien fatigués après l’épuisant travail de rédaction qu’elle nous avait asséné, via Libération, dans l’un de ces moments de torpeur politicienne scribouillarde qui laissent pantois le lecteur normalement constitué.

Avec un brouet spectaculairement indigeste dans lequel le sujet, habilement camouflé dans des tournures de phrases imbitables, transparaît très difficilement, la porte-parlote rouspétait alors sur les vilains qui ne voulaient pas de cet égalitarisme taillé à la faucille (c’est elle) et au marteau (c’est son pote Vincent). Pourtant, tout est bien clair dans sa tête (et seulement là) : « l’enjeu », nous dit-elle avec obstination,

« c’est la place de la culture et de la création dans la société de l’égalité que nous construisons pour demain, pas la guerre des ambitions personnelles, encore moins je ne sais quelle guerre des sexes ou des générations. »

Lolcat WTF

Autrement dit, la ministre prétend placer avant une compétition homme-femme le rayonnement culturel français, tout en imposant l’égalité, et en évitant de froisser les ambitions des uns et des autres. C’est, on peut le dire, du parfait charabia xyloglotte. Et la certitude qu’il s’agit bien de gros n’importe quoi est confirmée lorsqu’on lit que la ministre entend imposer l’égalité homme-femme dans le domaine de la culture, trop machiste à son goût, alors que, dans le même temps, on n’entend guère la pauvrette se prononcer sur le déséquilibre pourtant flagrant (en faveur des femmes) dans l’enseignement, la magistrature ou le secteur hospitalier. Pas de doute : Najat pipeaute à fond.

En réalité, la pesante performance de la porte-parlote est un pur exercice de style (catégorie BTP soviétique) destiné exclusivement à fermer le clapet des cultureux qui auraient eu l’impudence de remarquer que l’égalitarisme, c’est bien joli, mais ça aboutit à un généreux n’importe quoi surtout lorsqu’il est trempé dans de gros bains gluants de dogmatisme autoritaire. C’est un peu une circulaire ministérielle en lettre ouverte, et ça sent bon le petit taquet entre gens du milieux, à la limite de la private joke. L’impact sur la société réelle sera, fort heureusement, comme un discours de Hollande : à peu près nul et sans intérêt.

En revanche, n’est absolument pas nul et sans intérêt le fait que la ministre du Droit des femmes ait commandé en avril dernier un rapport sur la façon dont l’information à propos de l’IVG était présentée sur Internet. De même que ne sont pas sans intérêt les conclusions qui ressortent (à la façon d’un alien d’un ventre fécond) de ce rapport : sur les interwebs, les anti-avortements tiennent le haut du pavé, sont les premiers référencés, sont les plus visibles sur le Web, c’est incroyablement scandaleux et il faut absolument faire quelque chose, de préférence maintenant, tout de suite, et avec l’argent du public.

Le pire est que les anti-IVG, au lieu de contester ouvertement le droit à avorter, utilisent internet pour des remises en causes « insidieuses » (c’est le terme du rapport) : les anti ne cherchent plus à attaquer directement ce droit, mais – je cite toujours, c’est fabuleux – tâchent de dissuader les femmes d’y recourir.

Quelle bande de faux-jetons ! Ils ne reculent devant aucun procédé rhétorique, les salauds !

Ce serait comme si le gouvernement ne cherchait plus à attaquer directement le droit d’expression, mais tentait de dissuader les gens de s’en servir par de multiples lois mémorielles, l’insertion de délits spécifiques, la créations de tabous de vocabulaire et une solide auto-censure. Ou tentait de noyer les opinions exprimées sur internet par une action résolue. Ce serait, oh, … ce serait scandaleux.

Implied Facepalm

Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit : comme les sites officiels se sont connement contentés de louanger l’IVG via des rubriques enfouies dans les arborescences feuillues, multiples et rudement bien organisées sur sante.gouv.fr ou sur le truc du planning familial, ils sont moins bien positionnés que les sites anti-IVG qui profitent honteusement de leur nom finement ouvragés comme ivg.net … Dès lors, le rapport préconise la création d’un site institutionnel dédié (Précipitez-vous : « avortement-pour-tous.fr » est encore disponible !) L’idée est qu’il devra, je cite :

« porter une parole publique claire et volontariste, qui affirme le droit à l’avortement et défende la légitimité de toutes les femmes à y avoir accès. »

Et puis tant qu’à faire, allons plus loin. Après tout, c’est l’argent gratuit du contribuable et le robinet est déjà ouvert en grand : créons un joli label permettant de faire le tri entre les sites compatibles avec la République (i.e. : pro-IVG) et les sites de propagande (les autres). Mais cela ne suffit pas : profitons-en pour envisager sérieusement une réflexion sur le « délit d’entrave » à l’IVG que la loi Neiertz avait introduit, en 1993, en réaction aux commandos anti-IVG des années 1980. Cette loi punit les actions anti-IVG. Mais toute cette information pardon propagande anti-IVG pourrait facilement rentrer dans la case des pressions psychologiques, par exemple, ce qui permettrait d’y mettre fin par voie de tribunal. Intéressant, non ?

Cette cataracte de recommandations consternantes du Haut Conseil à l’Égalité Entre les Femmes et les Hommes À Coups de Tatane S’il Le Faut appelle évidemment quelques réflexions que je vous livre ici.

D’une part, on peut se demander pourquoi les informations désagréables (et pourtant correctes) sur l’avortement ne sont pas présentes sur les sites gouvernementaux « officiels ». En effet, si ces sites se doivent de présenter des informations correctes et complètes comme ils entendent le faire au travers des conclusions de leur magnifique rapport, il leur appartient normalement d’expliquer qu’un avortement comporte des risques (physiques et psychologiques). Cette information n’y est pas présente directement, ce qui constitue bien un biais de présentation de l’acte en lui-même.

Notez bien qu’il ne s’agit pas ici de reprocher aux sites gouvernementaux d’être partiaux et favorables à l’IVG ; c’est un choix qui peut être assumé, mais qui, dans ce cas, est en parfaite symétrie des sites non-gouvernementaux qui eux, présentent alors l’autre face de la pièce. Ce qui est problématique ici est qu’en substance, le rapport préconise dans ses recommandations des méthodes diverses visant à utiliser la puissance publique pour noyer l’information désagréable pour eux, ou, pire, à la museler purement et simplement par l’extension de la loi. Ceci n’est pas très joli joli, madame Vallaud-Belkacem, et ressemble bien à de la censure.

D’autre part, on peut se demander pourquoi de l’argent public devrait être mobilisé pour contrer des sites qui n’ont rien coûté au contribuable. Pourquoi ne trouve-t-on pas, symétriquement aux associations anti-IVG, des associations pro-IVG, financées avec l’argent de leurs membres (et pas des subventions publiques, merci) dont les fonds pourraient servir à une optimisation SEO un peu moins branquignole que celles des sites gouvernementaux actuels ? Qu’est-ce qui empêche les personnes qui se sentent concernées de lancer, à bon droit, une souscription, par exemple avec une émission télé pour récolter des dons (on pourrait l’appeler Avorthon, tiens) ?

La loi autorise actuellement l’avortement pour les femmes qui le désirent. La loi autorise aussi l’expression d’opinions relatant les éventuels dangers et les potentiels méfaits de l’avortement. La loi permet à des associations de se monter pour favoriser l’information claire et complète sur la pratique, ou même la propagande orientée dans un sens ou l’autre. Il y a donc tout ce qu’il faut, actuellement, pour informer les patientes correctement. Charge, ensuite, aux personnes qui se sentent motivées de le faire.

Le fait que nos politiciens envisagent ainsi le recours à la loi, la coercition et l’obligation pour compenser le manque de motivation de certains (ou contrer la surmotivation d’autres) en dit long sur leur mentalité : penser autrement et le dire, ce serait nuire, et il faudrait le punir.

On voit très bien comment ça commence, où ça mène et comment ça se termine.

Fascism : do you think it'll be this obvious ?


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