par Lod
J’ai une fille. Elle s’appelle Iris et elle a eu quatre ans aujourd’hui, quoi qu’elle en dise. Elle a du caractère, mais forcément : elle aurait dû naître le 6 juin comme son arrière-grand-mère dont elle a hérité l’aplomb et l’obstination, et sa marraine n’est autre que ma forte tête de cousine.
Elle dit des choses rigolotes, comme tous les enfants. Par exemple, elle me demande de dessiner un « hélicopente » (j’ai mis du temps à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un hélicoptère au-dessus d’une pente, mais d’un hippocampe. Je suis bête, quand même !) Et quand elle chante « Petit papa Noël », elle change un peu les paroles : « dehooooors tu vas avoir bien froiiiiiiid, c’est un peuuuuuu à cause de la neiiiiiiige ! » (manquerait plus que ça soit de sa faute à elle !)
Elle nous met aussi la DDASS sur le dos, PAS comme tous les enfants. Le maître s’était déjà un peu étonné qu’elle soit la seule de la classe à ne pas répondre « coucou je suis là ! » lors de l’appel matinal. « Adeline ? – Coucou je suis là ! Loretta ? – Coucou je suis là ! Romain ? – Coucou je suis là ! Iris ? – …Iris ? – … » Ca a duré trois semaines. Elle devait trouver ça nul de dire « Coucou je suis là » en agitant la main… Bon.
Il y a eu ensuite la visite-médicale-obligatoire-de-dépistage-de-l’autisme-et-des-maltraitances-à-la-maison-et-autres-troubles-divers. Laurent est donc allé la chercher à l’école un mardi vers 13h, direction la PMI de l’Etang-Salé. Les gars là-bas, médecins, assistantes sociales, avaient prévu de petits tests pour voir comme l’enfant s’exprime, s’il est éveillé, tout ça… Question éveil, Iris ne craint personne (et je ne parle même pas des réveils à 5-6 heures du mat…) MAIS sa sauvagerie surgit sans crier gare, et de préférence chez le médecin… Il y a quelques mois, n’avais-je pas été contrainte de lui obstruer les deux narines pour la forcer à ouvrir la bouche, histoire que le médecin diagnostique son angine rouge ? Si si… C’te honte…
Bref, ce jour-là, elle a tout refusé en bloc, de regarder la dame, de dire bonjour, de dire son nom – de parler, d’ailleurs (pas un mot !) –et donc de reconnaître les couleurs, de faire le puzzle, decompter (et pourtant, à cause de Noé, elle sait même compter jusqu’à twelve en anglais, alors !…), de marcher, de montrer sa motricité (fais voir ta motricité au monsieur, qu’on te dit !) Bref, les gars sont devenus hyper suspicieux et on est passé à deux doigts de la visite des services sociaux, chignon serré, lèvres pincées et sacoche menaçante. En tout cas, sur la double page du carnet de santé, il y a écrit un peu partout dans les petites cases : « refus, refus, refus… »
Je ne peux m’empêcher de frissonner en songeant à ce passage à la douane de Maurice en décembre dernier, quand Iris arefusé de lever la tête et fait les pires contorsions pour empêcher le flic patibulaire de la comparer au passeport. Je le voyais déjà nous accuser d’enlèvement d’enfant…
Elle aura quatre ans demain, mais je suis pratiquement sûre qu’elle ne soufflera pas les quatre bougies, pas plus qu’elle n’en a soufflé trois l’an dernier, ni deux l’année d’avant, ni la première bien entendu. Comme les autres fois, elle n’ouvrira pas ses cadeaux non plus, en tout cas pas tout de suite, pas sous les regards.
Dialogue récent :
« Iris, tu sais, c’est bientôt ton anniversaire !
- Non ! (rugissement)
- Euh… si, tu vas avoir quatre ans ma puce !
- Non ! (grrrrôaaaar)
- Hem… Ca te dirait qu’on invite des petites copines à la maison ?
- Non ! (100 décibels)
- Ah bon ? mais on ferait des jeux, tu recevrais des cadeaux, on mangerait un bon gâteau…
- Non ! (200 décibels)
- … Ok… Bon, on n’est pas obligé de fêter ton anniversaire en fait, mais… tu sais que tu vas quand même avoir quatre ans ?
- Non ! JE VEUX PAS ! Non ! »
A part ça, elle est marrante comme tout, parle créole, appelle son frère « mon gros chéri bibi ! », chante à tue-tête « Jalouse » d’Emilie Loizeau, danse beaucoup, se déplace en ballon-sauteur, pianote avec tous les doigts, dessine en s’appliquant, préfère le bleu, aime bien qu’on lui raconte des histoires où les héros pleurent, se laisse prendre en photo depuis qu’elle a compris qu’on pouvait grimacer et se voir juste après, déteste les tomates, adore les nouilles, mais encore plus les bonbons (première carie à trois ans…) et dort beaucoup mieux depuis que l’ostéopathe l’a manipulée (je vous raconterai un jour si vous êtes sages, ça vaut son pesant de cacahuètes !)
Iris, mon arc-en-ciel, mon brin de muguet, ma princesse, ma Loula-loulette, ça ne fait pas longtemps qu’elle dépasse un mètre de haut, mais elle sait ce qu’elle veut depuis belle lurette ! J’ai dit qu’elle était sauvage, c’est plutôt qu’il faut savoir prendre le temps de l’apprivoiser. Elle ne distribue pas ses bisous à la légère. Ses câlinoux n’en sont que plus doux !
Lod