J'ai mis le temps mais voilà, chose promise (cf, les
deux derniers billets)... chose à moitié due.
Vous allez comprendre.
En attendant la vague,
livre magnifique signé Gianrico Carofiglio est sans doute le plus
beau livre que j'aie lu cette année. C'est aussi celui à ce jour
dont j'ai le plus de mal à parler. Peut-être parce que je suis tombé
sur le compte-rendu qu'en a fait Bad Chili et qu'il exprime mieux que
je ne pourrais le faire tout ce qu'il y a à dire sur ce livre. Qui
plus est, j'aurais l'impression de m'adonner à du plagiat si je m'y
aventurais. Aussi, je vous renvoie tout naturellement vers l'article
concerné, juste là. Mais vraiment, lisez, lisez ce livre !
Et je passe donc
maintenant à L'Arbre à bouteilles de Joe R. Lansdale.
Léonard vient de perdre son oncle Chester. Il ne le voyait plus depuis qu'il avait annoncé
son homosexualité au vieil homme. Malgré cette distance et leurs
désaccords, le vieil homme lui a légué pas moins de cent mille
dollars et une vieille bicoque à retaper, à Laborde, Texas. Sans
compter un tableau et des bons de réduction... Pour l'aider dans sa tâche, Léonard demande à son vieil ami Hap de lui
filer un coup de main. Ils ne seront pas trop de deux pour remettre
la maison d'aplomb. Si la tâche est ardue, elle se complique de
manière tout à fait déconcertante lorsqu'ils découvrent le
squelette d'un enfant dans une malle, laquelle contient aussi des
revues pédophiles et des bons de réduction identiques à ceux que
l'Oncle Chester a légué à Léonard...
L'Arbre à bouteilles
est le second volume des aventures consacrées à Hap Collins, narrateur
de cette histoire, et Léonard Pine. Il est étonnant que le premier
volet – Savage seasons – n'ait pas été traduit en français,
mais rassurez-vous, ça ne gêne en rien la lecture de celui-ci tant
il captive de bout en bout. Grâce à l'évocation " du
quartier noir de La Borde, pour les uns, la 'ville nègre' pour
d'autres et la 'banlieue est' pour le reste ", et de ce qu'elle
implique dans les rapports entre les différents protagonistes de
cette histoire : problèmes d'identité et de place dans la
société américaine, voire dans
un état qui, rappelons-le, n'est pas exempt de dérapages racistes. Et encore, le mot est faible... Ces aspects fondus dans le récit lui
servent de toile de fond. Ils apparaissent dans la relation
qu'entretient Hap avec la jeune femme chargée d'assurer la
succession des biens de l'oncle Chester, à travers le cas de
conscience qui s'impose à elle en fréquentant un homme blanc, en
n'osant pas sortir avec lui en ville au regard de tous. Mais ils se
révèlent aussi dans l'amitié on ne peut plus forte et complice que
nourrissent Hap et Léonard, tendrement vacharde par moments, et qui
prend aussi ses racines dans leurs différences.
Cependant, Joe. R.
Lansdale va aussi au-delà de ces considérations. Dans le contexte
de misère et de chômage du quartier de Laborde où la drogue se
vend au vu et au su de tous, y compris de la police sans que celle-ci
ne puisse ou ne veuille rien y faire, il livre aussi une charge bien
sentie contre les prédicateurs de tous poils. De ceux si farouchement enferrés dans leur croyance et leur doctrine, qu'ils deviennent
aveugles au bon sens, hermétiques à l'ouverture, à la différence,
pourvoyeurs d'une Pensée unique. Dangereux.
L'arbre à bouteilles, je
vous le dis, est un polar enthousiasmant, riche, rythmé, drôle,
délicat et qui ne manque pas de... de punch. Le genre de polar qui
vous fait aimer le polar, rien que ça.
En attendant la vague, de Gianrico Carofiglio, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Seuil, 2013, 276 p.
L'Arbre à bouteilles de Joe R. Lansdale, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bernard Blanc, Gallimard (Folio policier), 2004, 352 p.