Lettre à François Hollande :
Ne laissez pas voter une loi Leonetti de gauche sur la fin de vie !
Monsieur le Président, rendez-nous notre Ultime Liberté !
(tribune du Huffington Post [ici])
Monsieur le Président,
Voilà maintenant dix ans que, le 26 septembre 2003, le docteur Frédéric Chaussoy libérait de ses souffrances le jeune Vincent Humbert, que sa mère Marie n’avait pu, malgré tout son amour, aider à accomplir sa volonté Voilà également un peu plus de cinq ans que, le 19 mars 2008, Chantal Sébire mettait fin à ses jours. Cinq ans enfin que Rémy Salvat, 23 ans, en une nuit d’été, seul, après dix-huit années d’insupportables souffrances, se suicidait dans sa chambre, à l’aide de médicaments.
« Je les prends parce que je peux encore le faire. Bonne nuit », furent les derniers mots qu’il laissa à ses parents, Régine et Jean-Pierre
Vincent Humbert, Chantal Sébire et Rémy Salvat ont écrit à vos prédécesseurs. « Vous avez le droit de grâce, et moi, je vous demande le droit de mourir », dictait Vincent à sa maman, dans sa lettre au président Jacques Chirac, le 20 novembre 2002.
Des lettres comme celles-ci, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), une association de près de 51 000 adhérents que j’ai l’honneur de présider, en reçoit des dizaines chaque année.
Certaines vous ont été directement adressées, telle celle de Damien Delmer, 33 ans, atteint d’une mucoviscidose incurable, vous demandant « le droit de partir dans la dignité ». Votre chef de cabinet a répondu à ce jeune homme, qui ne pèse plus que 37 kilos, que « la loi de 2005 constitue une avancée certaine », mais qu’il « est malheureusement des situations dramatiques auxquelles ce texte ne répond pas. »
Justement, la loi Leonetti qui régit la fin de vie dans notre pays montre et, depuis longtemps, d’une part ses limites et, d’autre part, bien des ambigüités comme votre chef de cabinet le reconnaît entre les lignes dans sa réponse au jeune et courageux Damien.
Cette loi faite par des médecins, pour des médecins, montre, plus de huit ans après son vote, qu’au final le patient en fin de vie n’est pas au centre des décisions qui le concernent.
Cette situation n’est plus acceptable aujourd’hui.
On ne peut parler à longueur de discours politique de démocratie sanitaire et ne pas écouter les patients notamment au moment le plus singulier de leur vie : celui de leur mort !
Monsieur le Président, durant la campagne électorale de 2012, vous avez soulevé un immense espoir en promettant, dans votre proposition 21, de permettre au mourant de demander à être libéré de souffrances insupportables et que rien ne peut soulager.
Vous avez aujourd’hui une majorité parlementaire qui s’est aussi engagée à voter une loi qui prenne enfin en compte celui qui est dans le lit et pas seulement ceux – mandarins, héritiers - qui gravitent autour.
Le temps est venu de voter une grande loi sur la fin de vie qui restera, au même titre que celle que vous avez courageusement porté sur le mariage pour tous au Panthéon des grandes réformes de société.
Monsieur le Président, ne cédez pas aux sirènes des grands mandarins ni des extrémistes religieux qui veulent nous faire vivre dans une société inégalitaire, liberticide ou d’un autre temps.
Monsieur le Président, ne vous contentez pas de proposer une loi Leonetti de gauche comme certains vous le conseillent !
Soyez comme vous savez l’être si souvent : audacieux et humaniste.
Monsieur le Président, laissez-nous mourir dans la dignité !
Monsieur le Président, rendez-nous notre Ultime Liberté !
Jean-Luc Romero
Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD)
Auteur de « Monsieur le Président, laissez-nous mourir dans la dignité ! »